La carrière ambient de Brian ENO, quand on la juge avec du recul, n'est pas la meilleure qu'on puisse trouver. En effet, bien des mélomanes citeront sans problème la fameuse série des Ambient, disques séminaux faisant la part belle à la magie du minimalisme et des collaborations pertinentes (Robert Wyatt, Harold Budd et Laraaji). On peut aussi citer Discreet Music (1975), Appollo (1983), et The Pearl (1984). Mais par la suite, en dehors des cercles de fans, il est peu de gens sachant trouver un album ambient d'ENO qui vaille le coup d'oeil. En même temps, quand le bonhomme se penche sur des installations artistiques, il ne faut pas être très surpris.

C'est donc 4 ans après Lux, et 2 après les deux albums conçus avec Karl Hyde (Someday World et High Life) que Brian ENO revient au charbon. Cette fois-ci, c'est au thème passionnant du Titanic qu'il s'attaque à travers The Ship. Sachant qu'ENO a été capable du meilleur dans le domaine folichon de l'ambient, on n'est pas à l'abri d'une bonne surprise de sa part. Mais on pouvait dire la même chose concernant Lux et The Ship ne déroge pas à la règle.

L'album se distingue notamment par son morceau-titre – logique. ENO ne se rate pas quant au traitement de son sujet, ne serait-ce que par la nature très aquatique de la musique. En jouant sur un minimalisme presque extrême, il parvient à dégager une ambiance qui ne laisse clairement pas insensible. Mais ce qui frappe le plus, c'est la voix du musicien, ici traitée à l'autotune pour offrir une sorte de polyphonie solennelle, tout en restant dans la retenue et le calme. Le tout est relativement convaincant, c'est déjà autre chose que Lux où tout tournait littéralement en rond sans aucune saveur. Ceci étant, The Ship s'éternise un peu sur la fin, ce qui est regrettable, alors qu'on pouvait penser ENO à l'abri de ce genre d'erreur.

Le reste de The Ship (l'album) est constitué de la suite en trois mouvements "Fickle Sun". Une suite bien inégale puisque son premier mouvement est presque aussi long que le morceau-titre, alors que les deux autres sont relativement courts. Ce premier volet, donc, continue dans la voie de l'ambient, mais avec une intro plus sombre, et aussi une voix non traitée. Oui, ENO crée ici une vraie tension qui fait de "Fickle Sun" un moment intense à écouter, malgré des cuivres et percussions débarquant avec de gros sabots près de la 8ème minute. Malheureusement, là aussi ENO se plante et tombe dans le travers du morceau trop long et ennuyeux à souhait, passée la 10ème minute. Il aurait été plus judicieux de passer directement aux parties II et III. En particulier, cette dernière n'est en fait qu'une reprise du VELVET UNDERGROUND, assez jolie, mais qui aurait eu plus de gueule en final d'un album plus varié.

Alors, The Ship, un album ambient de plus ? Pas vraiment, ce qui en soi est déjà pas mal. Cependant, Brian ENO, s'il sait se faire émouvant par moments et musicalement pertinent, n'en reste pas moins le musicien dont le dernier grand album du genre date tout de même des années 80. Du coup, il faudra bien comprendre que The Ship n'est pas mauvais, qu'il mérite un petit coup d'oreille, mais sans plus.

Note réelle : 2,5/5