Rhodes II, deuxième album de la chanteuse américaine Kimberley "Happy" RHODES, est produit dans les mêmes conditions que le premier et le suivant, en cassette au départ et sous forme d'une collection de chansons écrites depuis 1984.

On retrouve sur la pochette le même type de design : un chiffre romain en gros et utilisé comme ouverture sur un monde imaginaire, avec un goût certain pour les figures de démons inquiétants. Ils veulent hanter le curieux qui s'attarde.

L'esprit d'Happy RHODES, vivant dans un placard, cherche à attirer le jeune homme qui vit dans telle chambre, et dont elle est amoureuse. C'est ce qu'elle nous conte sur le premier morceau, "Come Here" et un fond de musique foraine à base de synthé saupoudré de guitare acoustique.

On retrouve donc logiquement la formule de Rhodes I, le même type d'instrumentation et d'inspiration au niveau textes, musique. La sélection de chansons est reconnue comme meilleure de façon générale par les Ectophiles, passionnés de la fée rouquine qui pour rappel ont permis les rééditions CD de ces cassettes en 1992.

Que ce soit aux claviers, à la guitare folk ou aux deux en même temps, Happy RHODES fournit un album superbe, rempli de mélodies belles et ensorceleuses, complètement à son image physique et vocale. Cette voix ! Si pure dans les graves comme dans les aigües, parfois sur un même morceau, avec un effet saisissant !

C'est le cas sur "Many Nights", suite au texte de "Come Here" mais en bien plus court. C'est une strophe répétée par le même esprit confronté à la réalité, avec le même désir d'aimer et d'être aimé, de façon incantatoire sur des vagues de synthés. Quitte à paraître redondant, mais il est difficile de trouver d'autres références, imaginez Kate BUSH et Annie LENNOX qui chantent du ENYA avant l'heure !

Pour le parallèle avec l'Irlandaise dont la carrière ne doit pas tarder à décoller, la chanson "One Alien" s'adresse à un étranger qui lutte pour son retour au pays, sur fond de valse rêveuse avec guitare et sons de harpe celtique.

Vous comprenez, c'est difficile de parler d'un tel disque sans employer des superlatifs pour chaque chanson, même si le caractère aride (RHODES fait tout elle-même !) et les sons de claviers artisanaux peuvent compliquer la progression du néophyte. "Take Me With You" (bonus CD) et "Beat It Out", avec la voix grave et l'ambiance mystique, sonnent véritablement étranges. La musicienne y emploie cette fameuse note appelée autrefois "diabolus in musica", une dissonance réprimée sévèrement au Moyen-Âge et que le blues a sauvée, en quelque sorte.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que RHODES n'a pas besoin de grand-chose pour créer tout un univers et varier les plaisirs dans la limite des moyens dont elle dispose ! Parfois, une guitare suffit, et elle nous chante un folk lumineux comme sur "Under and Over the Brink" où elle dit que "la musique est la seule chose qu'elle connaît" pour échapper aux soucis. La version bonus du CD propose une jolie voix follette en choeur, pour renforcer le plaisir.

La solitaire, tout en déclamant sa solitude avec tristesse sur "Noone Here" et en jouant sur les aspects sensuels de sa voix, s'amuse à mettre des miaulements de chat, le même dont elle rêve la présence, pour preuve d'un certain humour à travers un univers musical qui n'est jamais « pesant ». À écouter de manière posée, toutefois ! Et puis ce disque figure parmi ses meilleurs, clairement.