Physical Graffiti est un monstre. Mais pas l'un de ces montres musicaux terrifiants de par leur génie ou leur virtuosité, ce serait trop beau. Non, la bande à Jimmy Page sort ici un album monstrueux au sens étymologique du terme, refermant en lui une bestiole plus petite et bien plus inoffensive que prévu, ou espéré.

Rien qu'au niveau de la forme, certains signes ne trompent pas. Le format de double album est une évidence pour un live de LED ZEPPELIN – mieux, ce n'est pas assez – alors qu'en studio, non. Led Zep a déjà du mal à tenir sur 45 minutes, alors sur 90, ça va être dur. Mais surtout, la moitié est constituée de chutes de studio des albums précédents. Certes, certaines pépites sont souvent remisées dans un placard au lieu de briller en plein soleil, mais les montrer aussi tôt montre bien une envie de capitaliser et de surgonfler l'oeuvre. De surcroit, il y a de quoi avoir peur avec les chutes issues de Led Zep III et IV. De facto, l'inévitable arrive. Le remplissage et l'ennui débarquent avec fracas. En particulier, les morceaux les plus longs montrent un Led Zep incroyablement ennuyeux. Page, Jones et Bonham s'écoutent jouer tandis que Robert Plant semble croire qu'il a une mission divine à accomplir, à savoir écorcher nos oreilles. Seul "In the Light" s'en sort avec les honneurs grâce, paradoxe, à sa cornemuse en carton.
Dans cette marée noire de titres médiocres, il faut être attentif pour capter les morceaux vraiment bons. La pêche est toutefois fructueuse avec de véritables tueries, à l'image de "The Rover" et de son riff génial, ou bien du bluesy "Down by the Seaside", sans compter ce charmant interlude qu'est "Bron-Yr-Aur".

Est-ce qu'il y a à boire et à manger sur Physical Graffiti ? Il y a surtout du vide à l'intérieur. Même en élaguant, l'album qui en résulterait ne serait pas forcément la tuerie dont on fait l'apologie depuis 1975. C'est ce qui arrive quand on comble les vides avec des chutes, c'était prévisible et inévitable. Led Zep aurait dû au contraire persévérer dans la voie de Houses plutôt que de jeter déjà un coup d'oeil au rétroviseur.