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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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Daniel BALAVOINE - De Vous à Elle En Passant Par Moi (1975)
Par BAKER le 29 Octobre 2019          Consultée 806 fois

Après un passage-éclair dans le groupe (éclair) PRÉSENCE, le tout jeune Daniel BALAVOINE essaie de se lancer en solo. Je vais paraphraser un documentaire connu sur le chanteur, mais le détail a une telle importance qu'il me paraît impossible à éviter. Nous sommes en 1975. Ce sont les années Giscard, les années pétrole-et-crise, les années une femme-un pull-une pipe ; la moustache se porte virilement, les playboys de l'époque sont Alain Delon en mode faites-pas-chier, Belmondo en mode me-cherche-pas, et dans un univers à peine parallèle Dominique Aveline, le Hercule "Poireau" du X tendance dépucelage de palefrenières au Manoir de la Baronne. Les cheveux longs et frisottants de Mai 68 sont honnis, et ça se ressent jusque dans la musique : si l'on accepte non sans certains renâclements un Gérard LENORMAN ou un Joe DASSIN (déjà plus présentable, les cheveux sont moins longs), tout ce qui est psyché, baba cool, qui sort des sentiers battus, est accueilli avec un certain dédain. Le modèle absolu, c'est Sardou. Voilà un homme, avec des grosses couilles bien posées sur la table et une belle voix de stentor.

Au milieu de cet univers qui a vu naître autant de désastres que de belles choses, comment voulez-vous que Daniel BALAVOINE fasse carrière ? Le garçon est bouclé, un peu bouboule. Ses influences sont largement PINK FLOYD et le QUEEN naissant (ce qui s'entendra un peu, au gré de quelques secondes de plaisir pur), et surtout sa voix est presque celle d'une damoiselle en détresse. Ce premier 33-tours, c'est une carte d'identité, et du genre contrebande d'immigration, la photocopie en 2 couleurs et demie avec une sous-couche de UHU séchée pour faire croire à une plastification. Dans ce disque, Daniel tente de montrer qui il est, tête bêche, tout en... ne le sachant pas forcément lui-même.

Il est donc logique que ce disque soit raté, et même à bien des égards franchement raté. Pourtant, on sent l'implication, on sent la volonté de bouger les lignes tout en restant accessible, on sent cette passion pour la pop-rock anglosaxonne à tendance prog associée à la variété française de luxe, on sent que les musiciens sont excellents, carrés, volubiles. Et côté chant, malgré quelques légères baisses, on ne peut nier que BALAVOINE possède déjà un gosier en or, un style bien particulier et une maîtrise insolente. Non, le souci vient des compos. C'est un fait connu, BALAVOINE ne savait pas écrire la musique ni la lire, ce qui est très souvent une force plus qu'un handicap, lui permettant notamment de pouvoir créer des mélodies hallucinantes en partant de postulats qui sur le papier ne devraient pas marcher (ses fameuses mélodies sans fin). Mais pour ce premier disque, il part dans tous les sens à chaque chanson et mélange de façon bien maladroite du prog rock chétif, de la variété poppy sucrée qui ne lui va pas du tout, et des accents piano-bar à la Michel BERGER qui tombent à plat, et ce dès le tout premier titre.

Si l'on devait lui trouver une accointance, ce serait avec William SHELLER, mais le Willoute de la même époque, celui qui a également un peu galéré, avec son côté flon-flon et "chanson stupide de la semaine" : "Pas plus intelligent" notamment qui est un "Rock'n'dollars" refait à la volée, ou encore ce titre d'ouverture qui oscille entre le très mignon et le "stiff", raide comme un piquet. C'est un des gros soucis de l'album : les musiciens sont bons, mais ils jouent carré comme une division de paras SS. Le feeling ? Il passe en force sur les parties PINK FLOYD et QUEEN dont nous parlions : sur "Vis loin de moi", sur "Tes pieds toucheront par terre" inutilement complexe, sur "Couleur d'automne" qui propose un solo de guitare déchirant... mais moche. Ah ben ouais, ça compte.

La naïveté du propos en arrive à devenir énervante : "Pauvre Nicolas" passe totalement à côté de son sujet, BALAVOINE n'étant pas du tout à l'aise avec les petits lapins qui bâtifolent dans les praîîîîes, "Mona Lisa Medley" est un méga-ratage qui débutait bien mais se termine en eau de javel de boudin, avec au milieu une tentative d'humour qui dit-on a permis pendant 4 secondes une oscillation verticale de la commissure droite des lèvres de François Fillon (la reprise du premier refrain du disque était quant à elle d'un dispensable terminal). Petite chanson prétentieuse et antipathique, "L'alcool n'y change rien" montre même une facette détestable d'un auteur qui n'avait pas besoin de ça. Le meilleur résumé de ce disque sera probablement "L'enfant aux yeux d'Italie", qui mélange toutes les qualités et tous les défauts, de façon flagrante. On pense à Claude FRANCOIS, c'est dire si la volonté de faire original finit par tomber à l'eau.

Non, pour un premier contact avec son public, Daniel BALAVOINE ne sait pas s'y prendre, perdu entre ce qu'il aime, ce qu'on veut qu'il devienne et sa voix qui n'aide pas à prendre une décision. Seule chanson ayant survécu à cet album, "Evelyne et moi" sera cependant une bouée de sauvetage, une éclaircie. Il se rapproche là aussi de William SHELLER, mais dans ce qu'il a de meilleur : influence de la musique de chambre, gestion des dynamiques, c'est une chanson digne d'intérêt et qui montre que peut-être, avec le temps, ce chien fou de compositeur pourrait apprendre à s'assagir. Entre temps, outre ce 33-tours qui ne restera pas à la postérité, BALAVOINE sortira aussi un 45- tours ("Vienne la pluie") bien dans le même esprit : des compositions erratiques et non abouties, par moments réhaussées par l'esprit PINK FLOYD et un côté épique sous-jacent. De vous à moi sans passer par lui, il faudra un peu plus pour qu'un second album marque enfin les esprits.

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1. De Vous à Elle En Passant Par Moi
2. Vis Loin De Moi
3. Pas Plus Intelligent
4. Pauvre Nicolas
5. L'alcool N'y Changera Rien
6. Tes Pieds Toucheront Par Terre
7. Évelyne Et Moi
8. Couleurs D'automne
9. L'enfant Aux Yeux D'italie
10. Mona Lisa Suite



             



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