Porté par le succès du tube "Elle Préfère l'Amour en Mer" et avant l'année 1987 qui marque l'apogée de sa notoriété, Philippe LAVIL publie enfin un nouveau LP, Nonchalances. La formule semble toujours moins marcher avec ce support que pour des EP ou simples singles en termes de popularité, il n'y a pas de véritable hit ici, même si "Salsa Parasol" et "Elle Tricote des Pulls Pour Personne" font parler d'eux et tournent sur les ondes.

À propos de ce dernier, qui ouvre l'album à la pochette kitsch mais dont j'aime assez l'ambiance diffuse (les persiennes, le ventilateur), il s'agit d'un bon rock pour lequel le chanteur interprète un texte peu adapté, hélas. Si Claude Samard se charge des arrangements pour l'ensemble du disque, Didier BARBELIVIEN reste lui très présent du côté des paroles, avec d'autres auteurs parfois.

Là, musicalement, c'est très sympa, la mélodie itou, même le rythme des mots choisis. Néanmoins, le thème donne une couleur variété avec une forme dandy-costard-caviar, des références à Tapie et François Mitterrand qui gâchent le plaisir. C'est ce genre d'éléments qui fait que LAVIL, malgré sa belle voix et son envie de s'écarter des succès, ne sera jamais vraiment pris au sérieux.

Cela dit, pour "Salsa Parasol", ce n'est pas forcément mieux, BARBELIVIEN ayant voulu écrire un texte sensuel en mode "rêve de vacances" pendant le travail et sous forme de télégramme, en enlevant les pronoms sujets. La musique agréable pour son cha-cha exotique est de Jean-Claude Naimro, le claviériste du groupe guadeloupéen-martiniquais KASSAV' qui connaît un grand succès depuis deux ans, et avec qui Philippe LAVIL travaille beaucoup à l'époque.

Nonchalances, comme le veulent le titre et la pochette, exploitent l'esprit beau gosse séducteur faussement désabusé, toujours prompt à rappeler combien il est enraciné, tel un iguane pépère, dans son île qu'on appelait Madinina jadis, au moment de l'arrivée des Européens (c'est aussi le nom du label de LAVIL). La chanson-titre est l'une des meilleures proposées ici, avec son ambiance slow eighties aux harmonies jazz, choeurs suaves, saxophone soprano et pianos digitaux.

Dans une moindre mesure, il y a "La Femme Qui Dit Jamais Je T'aime", seul morceau arrangé par Pascal Stive (THE DICE) avec un sax plus dur, et preuve que le beau sexe est décidément au centre de toutes les préoccupations pour notre Béké. Il faut vraiment aimer les paroles cependant, ne pas être regardant là-dessus. "On S'en Ira Comme on Est V'nus", avec ses mots au caractère "nature" et léger, passerait mieux chez un autre artiste du cru.

Je préfère m'attarder sur la voix, les arrangements de guitare par Samard, les percussions afro-antillaises et les claviers, sauf quand ils sont trop agressifs ("Tout Plaquer"). Cependant, le texte anti-préjugés d'"Images Toutes Faites", sur les femmes qui vivent comme des stars et s'affichent en public, est une réussite. De même "Homme de Brousse ou Chercheur d'Or", et la ballade "Déjà Dans Sa Tête" à la rythmique country bienvenue.

Même si certains détails font un peu tiquer, Nonchalances reste un disque agréable et bon dans l'ensemble. L'année suivante, en 1987, Philippe LAVIL "explose" en termes de popularité grâce à son duo avec Jocelyn Béroard, chanteuse de KASSAV' sur un morceau écrit par ces derniers, "Kolé Séré". Une bonne partie du public français danse tout l'été sur ce rythme que certains désignent pour symboliser l'amitié/réconciliation entre populations antillaises de couleurs différentes, et la chanson se retrouve sur la compilation Lavil 87.