Sorti en 1994, Philippe LAVIL est au milieu d'une pause sans doute nécessaire mais qui affecte quelque peu sa carrière. À défaut de publier un disque original et le titre flambant qui va avec, Déménage est à part puisqu'il reprend des tubes et autres déjà publiés avec des arrangements plus intimes, plus personnels.

C'est le gros point fort de l'opus, ce son acoustique réalisé en compagnie de fabuleux musiciens. Les deux Emmanuel, Baudry et Lacordaire, font bien la paire aux percussions multiples, alors que Bruno Dandrimont assure une guitare inspirée, souvent classique (nylon) et parfois soliste, tout comme le piano versatile de Dominique Fillon. Last but not least, Thierry Fanfant fidèle à la renommée de son talent avec des lignes de basse groovy et métalliques.

LAVIL lui-même trouve ici un bel écrin pour la chaleur de sa voix, loin d'arrangements parfois lourds et cela se ressent notamment sur les tubes. Il s'amuse en compagnie des musiciens, les interpelle, sur des développements instrumentaux plus que bienvenus et qui riment avec salsa, latino, Antilles en général. "La Chica de Cuba", un des inédits proposés et en plus des trames textuelles habituelles (filles, chaleur, amour, mer), fait d'autant mieux ressortir cette fraîcheur "muy caliente" grâce à l'appui d'une équipe idéale, complétée par la présence essentielle d'Edith Lefel qui mène les chœurs. Bonne fée !

Le revers de la médaille, c'est que certains tubes s'en trouvent quelque peu desservis, à commencer par "Touché en Vol", le duo splendide entre LAVIL et Lefel justement, extrait du dernier album en date, Y'a Plus d'Hiver (1992). C'est sans-doute parce que les arrangements originaux, loin d'être envahissants, étaient au contraire judicieux, tout simplement, et parmi les plus réussis de la carrière de LAVIL.

"Touché en Vol" en fait partie, mais c'est aussi le cas de "Kolé Séré", "Si Marianne était Black", "Elle Préfère l'Amour en Mer" et "Savanna Kumba". Non pas que les versions proposées ici soient mauvaises, et encore une fois, l'ambiance globale profite à d'autres titres plus que connus comme "Il Tape Sur des Bambous" ou même "Fort de France". Cette dernière fait définitivement oublier sa version d'origine, grâce au chant qui bénéficie de l'orchestration tellement aérée qu'on croit le sentir sur notre peau, ce vent mêlé de sable chaud. Et le tintement des glaçons dans le verre à la fin !

Le piano Fender Rhodes propose quelques belles échappées dans ce titre aussi bien que dans le feutré "Question de Cage". Boris Bergman intervient brièvement pour fournir à LAVIL deux de ses textes les plus intéressants, tout comme "Presqu'il", rempli de jeux de mots et qui passe très bien sur fond de musique reggae. Ah, ce vibraphone, ces petits licks de guitare !
Trois ans après Déménage, paraît le Zest-of de l'artiste, qui reprend tous ses tubes et singles importants, avec quelques surprises ("Presqu'il", "La Chica de Cuba"). Certains d'entre eux y sont proposés dans leur version originale et d'autres dans leur version Déménage. La sélection n'en sera que plus judicieuse en équilibrant les points forts des uns et des autres. Reste une belle parenthèse pour le chanteur, après deux albums déjà forts et un suivant qui le sera aussi.