Au début des années 80, faute de succès, Philippe LAVIL est sur le point d'arrêter la chanson définitivement. "Il Tape Sur des Bambous" est une dernière tentative, joliment saisie ! À la base, le morceau, composé par Michel Héron, est destiné à Julio IGLESIAS qui en fera une version internationale un peu plus tard, en 1984 ("Bambou Medley" sur l'album 1100 Bel Air Place). Elle aurait même été proposée à Patrick TOPALOFF qui décline, jugeant les paroles de Didier BARBELIVIEN trop nulles (!)...

LAVIL, plus fin, demande au parolier de refaire son travail, et cela donne la chanson que l'on connaît. Pour une fois qu'une parole légère aux allures de fausse prophétie devient réalité : imaginez s'il suffisait d'écrire "Il tape sur des bambous, et c'est numéro 1..." pour que ça se produise ! Un rythme samba chaloupé, une mélodie ensoleillée jouée aux steel-drums, un chanteur qui se prélasse dans un hamac tout le long d'un clip flemmard, des paroles pleines de "cocos et coquillages", de Robinson et de Vendredi... Il n'en fallait pas davantage pour que les Français, adorant les clichés et les vacances (ces gros fainéants !), en fassent leur tube de l'été.

Durant cette même année 1982, Philippe LAVIL profite de ce regain de succès (douze ans après son tout premier tube, "Avec les Filles, Je Ne Sais Pas", et en nettement mieux !) pour éditer un EP comprenant "Il Tape Sur des Bambous" et cinq autres chansons. Deux d'entre elles paraîtront en singles, "San Miguel" et "Rio".

Sur cette dernière, on retrouve les steel-drums derrière un joli tempo bossa. LAVIL endosse son personnage de garçon romantique et un peu paumé, ici dans les rues de la cité brésilienne. Vinicius et Tom sont mentionnés, le carnaval prend des couleurs quelque peu ternes quand est seul et qu'on pense aux femmes... Les femmes, éternel grand sujet de notre interprète quand ce n'est pas un décor de rêve.

C'est une femme (mais on ne le sait qu'à la fin !) qui le pousse à se faire "Gentleman", homme en costard cravate et à s'égarer dans Paris, alors qu'il aurait pu rester tranquille sous les palmiers de Martinique. LAVIL chante ce titre de manière désabusée sur fond de cha-cha rythmé par un synthétiseur virtuose et la guitare 12 cordes de Claude Samard, bonne ambiance. De même, "San Miguel" et son esprit mariachi constituent une belle curiosité, complainte pour une femme volage qui semble avoir été réellement écrite à l'ombre du soleil plombant, dans la cour d'une hacienda.

Le présent EP demeure sympathique pour qui aime LAVIL, alors dans une période de transition. D'un côté on a les orchestrations vintage, de l'autre une nouvelle identification musicale complète à ses origines antillaises, celle que gardera le public à compter du succès obtenu grâce aux bambous. Toutefois, la meilleure chanson se trouve encore ailleurs : il s'agit d'"Une Balade en Bateau", écrite par Bob Socquet, Claude Samard et LAVIL lui-même.

Le mot "carte postale" extrait du texte résume parfaitement celui-ci, un décor de plage, le soleil qui inonde la mer, les images d'une femme câline et de leurs enfants qui jouent... Le bonheur et la sérénité à l'état pur. La musique, portée par une guitare acoustique folk, rappelle le premier LP de LAVIL en beaucoup plus abouti : quelques arpèges et percussions sur fond de claviers auront suffi, sans oublier la voix grave et tellement agréable du Martiniquais. Ce petit bijou n'est pas aussi connu que les tubes variété antillaise, et c'est réellement dommage... Un disque court, mais bien rempli !