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AMON DÜÜL II - Hijack (1974)
Par AIGLE BLANC le 10 Octobre 2017          Consultée 1898 fois

Après des débuts foudroyants avec son extraordinaire trilogie Phallus Dei / Yeti / Tanz Der Lemminge, le folk-rock psychédélique d'AMON DÜÜL II marque le pas à partir de Wolf City (1972) en empruntant la pente déclinante d'une fâcheuse tendance à la normalisation confirmée par Carnival In Babylon (1972), Utopia puis Vive la Trance (1973).
Hijack (1974), septième effort studio, dilue davantage le talent du groupe allemand, bien présent encore mais plus que de façon sporadique. En termes d'intérêt et de qualité, Hijack se situerait au-dessus du médiocre Carnival In Babylon et juste au-dessous de Vive la Trance. Cela en fait un album intéressant mais non dépourvu de scories et de maladresses du point de vue des compositions et de leur organisation au sein de l'album.
AMON DÜÜL II conserve encore une part de sa personnalité hors-norme (pour combien de temps encore ?), mais voit s'émousser, s'étioler un peu plus son caractère subversif et l'agressivité inventive dont il faisait preuve à l'orée des années 70.

Evacuons déjà le choix désastreux de la pochette, extrêmement décevante comparée à celles, magnifiques, de Yeti et de Wolf City. Une erreur de marketing évidente qui décrédibilise complètement la notoriété du groupe par son design immonde de B.D science-fictionnelle. A supposer que vous soyez nostalgique des pochettes kitschissimes qui sévissaient en cette année 1974 tout entière dévouée au rock progressif, vous êtes en droit de vous sentir floué car de rock progressif justement, Hijack en est dépourvu.

Du strict point de vue du contenu musical, donc de l'essentiel, Hijack n'est pas le ratage absolu qu'il m'avait semblé il y a quelques années. Si la qualité demeure variable d'une face du disque et d'une piste à l'autre, l'originalité quant à elle est préservée alors qu'elle avait quasiment disparu de Carnival In Babylon.
Un fait aussi loin d'être anodin, les membres du groupe restent assez stables depuis Wolf City, ce qui aide indéniablement à préserver la cohérence musicale.

Les deux songwriters dominants de Hijack sont Lothar Meid et Chris Karrer, le premier imprimant sa marque sur la face A (soit les quatre premiers titres), le second se réservant plutôt la face B.
La première écoute, en général la plus superficielle, révèle la supériorité des chansons de Lothar Meid, beaucoup plus originales, d'une personnalité plus affirmée, que celles de Chris Karrer. C'est donc la seconde partie de l'album, soit les cinq derniers titres, qui abaisse sa qualité générale, non qu'ils soient tous mauvais, mais la face B donne l'impression que le groupe perd le contrôle de son vaisseau.
L'opus commence donc plutôt bien. Les deux parties enchaînées de "I Can't Wait" plongent directement l'auditeur dans une atmosphère glauque à souhait que distillent les autres pistes, "Traveller" et "You're Not Alone". Pour bien les apprécier, il convient d'oublier le folk-rock païen qui a rendu célèbre AMON DÜÜL II et de se laisser porter par la basse et le chant de Lothar Meid qui se glissent avec efficacité dans la tonalité névrotique des textes.
Les paroles, amères et désabusées, épousent le constat implacable d'une rock star sur sa relation de couple que les tournées ont complètement détruite jusqu'à la laisser exsangue et noyée dans une solitude et une désillusion poisseuses. La voix de Lothar Meid, volontairement traînante et relâchée, transpire une rage d'autant plus acide qu'elle n'explose jamais tandis que sa basse lourde et métronomique, qui anticipe les rythmes chers au réalisateur américain John Carpenter, fait peser tout du long une ambiance glauque que prolongent les synthétiseurs malsains de Falk U. Rogner. L'adjonction sporadique des cordes (violon alto semble-t-il), aussi iconoclaste soit-elle, pousse la compo jusqu'aux confins de la désorientation mentale.
"You're Not Alone", l'autre titre signé Lothar Meid et qui conclut la face A, se veut dans la continuité de "I Can't Wait" dont il reproduit la tonalité fortement anxiogène impulsée par le beat métallique, indus avant la lettre, de la batterie surpuissante de Peter Leopold avec laquelle se synchronisent les accords agressifs de Chris Karrer à la guitare. Les synthétiseurs et le saxophone soprano renforcent la texture névrotique de la compo. Une autre vraie réussite.
Dans une veine plus rock mais tout aussi dépressive, où dominent la batterie et la guitare ainsi que des trompettes ironiques, l'unique contribution de John Weinzierl, "Mirror", propose une autre satire au vitriol du showbiz, ici en l'occurrence de la télévision. Lothar Meid, toujours préposé au chant, poursuit son laminage en règle du chant basique en y insufflant une fatigue, un désenchantement, un désabusement particulièrement abrasifs.
"Traveller" reste la piste la plus décevante de cette première partie. Elle rappelle, par son style folk psychédélique l'AMON DÜÜL II de Carnival in Babylon (1972), de bien triste mémoire, comparaison que justifie le chant de Renate Knaup, bucolique dans le refrain, plus bizarre et agressif lors des couplets, tandis que la flûte de Olaf Kübler nous inonde de ses relents ringardisés de Flower Power.

La seconde face du disque rompt avec la thématique engagée jusqu'alors et l'album voit son intérêt se diluer. Les textes de Chris Karrer abordent des thématiques plus floues, philosophico absconses (l'horripilant "Explode Like a Star"), un portrait de femme à consoler (l'insipide "Lonely Woman" que ne sauve pas Renate Knaup au chant), une description inutile des bulles d'air (l'abscons "Liquid Whisper"). Au chant, C. Karrer ne convainc jamais et ses compos naviguent entre le banal et le n'importe quoi. "Archi the Robot" est quant à elle une chanson totalement inappropriée dans l'univers d'AMON DÜÜL II. Son humour cartoonesque, proche de certains délires de Syd Barret, est davantage perçu comme une faute de goût. Cette histoire d'un robot qui kidnappe Dieu pour l'exposer à la télévision verse dans un ridicule achevé, note lamentable par laquelle se clôt malheureusement cet album qui a déraillé en cours de route.

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   AIGLE BLANC

 
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- Renate Knaup (chant)
- Chris Karrer (chant, guitares, violon, saxophone ténor)
- John Weinzierl (guitares)
- Peter Leopold (batteries, percussions, guitare acoustique)
- Lothar Meid (chant, guitare basse, arrangements des cordes)
- Falk U. Rogner (synthétiseurs)
- Chris Balder (cordes)
- Lee Harper (trompette)
- Bob Chatwin (trompette)
- Olaf Kübler (flûte, saxophone soprano)
- Thor Baldursson (claviers)
- Wild Willy (accordéon, percussions)


1. I Can't Wait (part 1+2)
2. Mirror
3. Traveller
4. You're Not Alone
5. Explode Like A Star
6. Da Guadeloop
7. Lonely Woman
8. Liquid Whisper
9. Archy The Robot



             



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