Avec Augenblicke (1980), NOVALIS montrait des signes encourageants quant à la suite de sa carrière. Les années 80 n'allaient peut-être pas délivrer une nouvelle merveille (sauf surprise), mais au moins la décennie allait pouvoir être traversée sans trop de turbulences, en attendant le retour en grâce des musiques progressives. Las, le groupe allemand aura été happé par la société. Une longue et cependant brutale descente artistique s'opère ici, mesdames et messieurs.

Première étape, Neumond. Là, ça tangue déjà furieusement, on voit le navire NOVALIS prendre l'eau de toutes parts. Un événement notable, et pas des moindres, c'est le départ du bassiste Heino Schünzel. Son jeu n'était pas fantastique, mais il avait une synergie plus que correcte avec les autres membres du groupe, et tout logiquement avec le batteur Hartwig Biereichel. Il n'est pas officiellement remplacé, et c'est un certain Heinz Fröhling qui joue les mercenaires. Et il a un jeu de mercenaire, c'est-à-dire correct mais sans une véritable flamme. Cela n'aurait pas été un problème en soi s'il jouait sur des compositions plutôt bonnes, au pire aurait-il gâché de bonnes occasions de prendre son pied. Mais Fred Mülhböck et Lutz Rahn ont raté le coche côté écriture. Neumond est un album complètement pop-rock, ce qui certes n'est pas préjudiciable, mais on entre ici en plein cliché du groupe de progueux ne comprenant pas grand-chose à cette musique. Autre défaut majeur, le choix des synthés. Lutz Rahn s'est clairement mis à jour, pas de doute, mais a-t-il seulement pris les synthés adaptés ? Oh que non. Aux synthés parfois pouet-pouet des années 70 ont suivi les synthés totalement pouet-pouet des années 80.

Neumond contient quelques bons moments noyés dans un mélange maladroit et mal produit. Parmi les bons morceaux, on retient facilement "Frühsport in Sachsenwald", un moment très rock et animé, qui donne effectivement l'impression de se donner à fond lors d'une course à pied. Et puis, l'espace de 8 minutes, NOVALIS se rappelle qu'il a été un groupe de rock progressif, surtout grâce au guitariste Detlef Job, et sort un "Nachttraum" convaincant qui montre que dans les faits, on savait encore faire du prog classique dans les années 80.

Malheureusement, ces deux morceaux sont de maigres branches de secours qui n'aideront en rien à aimer Neumond. NOVALIS se permet de balancer dans le plus grand des calmes "Oft sag man mehr wenn man schweigt", un sommet de kitsch avec un porn sax de la grande époque et une chanteuse additionnelle, Gillian Scalici, qui fait la paire avec Mühlböck pour un numéro passable. Mais le chanteur du groupe n'avait pas besoin d'elle pour être ridicule, comme le témoigne si bien "Du bist schön" qui se passe de commentaires. Les instrumentaux si chers à NOVALIS sont également pénibles : "Anakonda" possède une petite ambiance due aux claviers mais qui manque de liant, tandis que le morceau-titre, bah... je pense à un « générique d'émission lambda des années 80 » plus qu'autre chose.

Il y a encore de beaux restes ainsi qu'une instrumentation seulement gâchée par la production sur Neumond. Mais en dehors des deux morceaux cités plus haut, il ne faut vraiment pas s'attendre à quelque chose de mirobolant par ici. On commence ainsi la période de NOVALIS la plus oubliable et oubliée, celle où les albums s'enchaînent dans la stagnation et la médiocrité.