Il n'y a pas eu un gouffre de quinze ans entre View From the House (1988) et Chasin' Wild Trains (2004). Au début des années 90, Kim CARNES avait sorti un album, Checking Out With Ghosts qui, en plus de confirmer le virage country de la chanteuse, l'avait totalement éloignée du star-system. En effet, cette publication vite devenue confidentielle n'a eu lieu qu'au Japon ! Et aujourd'hui, il est difficile d'en trouver une copie convenable à bon prix sur le peu proposé à la vente.

Concentrons-nous donc sur ce disque de 2004, dernier de la chanteuse à ce jour, lui aussi né quelque peu sous le manteau car auto-produit, avant d'être au moins distribué par de petits labels aux U.S.A. Pour Kim CARNES, c'est un nouveau retour aux sources, en compagnie de quelques amis musiciens, y compris des anciens et guests (Craig Krampf, Jeff Hanna, Richard Bennett du groupe de Mark KNOPFLER). L'enregistrement de "One Beat at a Time", titre isolé de base et écrit spontanément, a si bien fonctionné que CARNES a senti qu'il était temps de sortir un album. Elle a eu raison;

Pour la première fois (de mémoire), elle coécrit tous les titres. Aucune reprise, sinon cette légère refonte de "If I Was an Angel", emprunté à la chanteuse country Matraca BERG, invitée pour l'occasion, et sur laquelle Kim CARNES pose sa propre empreinte. Et, en sus de tels détails, pour parfaire cette ultime parenthèse (?) discographique dans la carrière d'une chanteuse attachante, de la qualité à la pelle, entièrement au rendez-vous.

En 1988, celle-ci avait voulu arrêter le synthétiseur. Il y en a cependant toujours un brin, au travers des nappes jolies, fines, discrètes, à consonances 80's et qui parcourent certains titres fabuleux comme "Goodnight Angel", slow et duo à la fois en compagnie d'Angelo Petraglia (KINGS OF LEON) mais où CARNES mène bien le jeu, ainsi que "One Beat at a Time", ballade solaire et caressante en ouverture. Sur ces deux titres seuls, la chanteuse prouve que le temps n'a pas d'emprise sur elle, donne même l'impression inverse d'un rajeunissement vocal;

Avec la country-pop entraînante de "Just to See You Smile", elle continue de nous enchanter par ses intonations, comme vingt années plus tôt, au moment de ses plus grands succès, et les guitares lui répondent en force et grâce. Dans le même genre, "Too Far Gone" ajoute de l'accordéon (Tim Lauer abat décidément un boulot formidable de bout en bout) et des choeurs féminins nous laissant le regret qu'il n'y en ait pas davantage de ce style au cours de l'album ; CARNES a toujours tendance à préférer les background masculins.

Deux légers bémols sont à noter : "Step Right In" qui, malgré sa convivialité, clôture mal l'ensemble, ainsi que "You Make My Skin Burn", plus énervé et convaincant dans son style, mais un tantinet isolé du reste et qui aurait pu être encore meilleur. Pas de quoi baisser la moyenne toutefois, car outre les titres susmentionnés, ainsi que d'autres perles comme la légère "Lucid Dreams" (ah, cette Telecaster garnie de chorus !) ou le mélancolique "Where Is the Boy? (Chris Song)", saupoudré d'orgue ronronnant, des albums comme celui-là, on en redemande tous les jours. Il pourrait même convertir des allergiques à la country, pop ou non.

Kim CARNES avait alors plus d'un tour dans son sac, et elle n'est définitivement pas en reste sur ses évocations nostalgiques de l'enfance, à commencer par la pochette choisie, puis avec le titre "Runaway", complainte délicate au piano, dont le titre Chasin' Wild Trains est extrait. La mélodie rêveuse et crépusculaire de "Still Warmed by the Thrill", ornée d'une boîte à rythmes fine et de belles résonances, lui va comme un gant et confirme, si besoin est encore, combien une chanteuse de ce calibre demeure précieuse, et, dans son cas personnel, trop vite oubliée. Et à ce propos, certes on a pu déplorer, depuis, son propre manque d'activité.