Quiconque s'intéresse au krautrock a forcément entendu parler de NEU!. Et quiconque s'y est approché sait forcément que le duo s'est délité après la sortie de Neu! '75 (1975), du fait des tensions croissantes entre Klaus Dinger et Michael Rother. À partir de là, chacun s'est lancé dans un projet, et on peut dire que c'est Dinger qui a décroché le gros lot avec La Düsseldorf, continuité de ce qu'il proposait comme musique en face B du troisième Neu!. Mais ce serait oublier qu'avant même de se séparer de lui, Rother a connu une meilleure heure de gloire au sein d'HARMONIA, supergroupe fondé avec Moebius et Roedelius, les membres de CLUSTER. Hélas pour Rother, l'aventure s'arrête en 1976 alors que Tracks and Traces, pourtant enregistré avec Brian ENO, est mis au placard pour finalement sortir deux décennies plus tard.

Entretemps, le désormais ex-guitariste de NEU! se lance ni plus ni moins que dans une carrière solo. Autant dire qu'on a le droit de se frotter les mains, tant Rother a montré qu'il était capable de faire de belles choses. Oui, certes, mais en est-il capable tout seul ? Là est la question qui se pose lorsque sort en 1977 Flammende Herzen. D'ailleurs, ce n'est pas rien de dire que Michael marche seul... ou pas en fait, puisque Conny Plank assure la production tandis que Jaki Liebezeit, le batteur de CAN, vient prêter main-forte. Mais tout le reste, y compris la composition, est bel et bien signé Rother et personne d'autre.

Et cela s'entend. Flammende Herzen est en effet un album instrumental faisant la part belle à un krautrock tardif plutôt calme malgré quelques plans de guitare électrique aiguisée. En fait, tout comme Dinger et la Düsseldorf, Rother prolonge sa face A de Neu! '75, en y mettant quand même plus d'énergie et de rythme – on n'est plus dans de « l'ambient krautrock », si tant est que ça existe. Et pour être franc, avec une palanquée de guitares, deux-trois synthés et un Jaki Liebezeit en métronome humain, Rother fait le café, le temps d'une ouverture. Le morceau-titre rappelle certes de manière flagrante la filiation avec NEU!, de manière un peu envahissante certes, mais le caractère de Rother et la beauté musicale prennent rapidement le dessus. Et le morceau a beau être long (7 minutes), il s'écoute sans souci majeur.

Mais en voyant un affreux 2/5, vous vous doutez bien, ami(e)s lecteurs et lectrices, qu'il y a un problème majeur. Et le problème majeur ici présent, c'est que tout le reste de l'album est identique à "Flammende Herzen". même si l'album est relativement court (34 minutes), on finit par sentir le temps passer. C'est comme si Rother avait trouvé une mélodie déclinable en plusieurs fois, mais n'arrivait pas à en sortir une autre. Ça, ou bien il avait la flemme d'en faire plus. Et c'est dommage. Parce que "Karussell", par exemple, n'aurait pas été dérangeant en plus du morceau-titre, d'autant que cette fois c'est un synthé qui mène la marche. Mais entre les deux, on a le longuet "Zyklodrom" et un "Feuerland" encore plus monotone malgré un côté plus froid et sombre qui lui sied bien. Et si "Zeni" sort d'un autre moule, il sacrifie dans le même temps la qualité tant ce final ennuyeux est mal fagoté.

C'est dommage que Flammende Herzen véhicule la fausse idée que ce n'était pas Rother qui savait écrire des albums variés et intéressants de bout en bout. On pourrait même parler d'injustice pour l'un des guitaristes les plus inventifs du krautrock. Peut-être n'arrive-t-il à donner le meilleur de lui-même qu'en étant accompagné ? Il faudra du temps pour pouvoir répondre à cette question.

Note réelle : 2,5/5