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Al STEWART - Modern Times (1975)
Par JESTERS TEAR le 16 Septembre 2018          Consultée 1972 fois

Nous y voilà enfin. Modern Times. Le premier, et peut-être mon préféré (ça se tire la bourre avec le suivant, mais ça reste fair play) des véritables chef-d’œuvres d’AL STEWART. Le genre qui me fait dire qu’AL STEWART, c’est l’artiste que je peux écouter quelle que soit mon humeur, même quand mon humeur c’est "j’ai pas envie d’écouter de la musique, scrogneugneu" (oui ça arrive des fois, pendant les éclipses des années bissextiles).

Past Present and Future avait déjà convaincu beaucoup de monde, mais pas moi. Ambitieux, peut-être trop ambitieux pour son propre bien, et donc longuet. Ce n’est pas le cas de Modern Times. Et pourtant, l’ambition est là. Pour le comprendre, il suffit de regarder qui se colle à la production de l’album : ALAN PARSONS. C’est pas vraiment ce qu’on appelle un timide, dans le milieu. Il a juste bossé sur Abbey Road de vous savez qui et The Dark Side Of The Moon, de l’autre vous savez qui (Les BEATLES et PINK FLOYD ! … Désolé, j’ai pas pu m’empêcher d’étaler ma culture). Sans parler de son ALAN PARSONS PROJECT.

Son apport sur cet album est monstrueux, et permet aux musiciens (tous excellents) de s’affirmer également, apportant eux aussi beaucoup. On notera en particulier Tim Renwick, qui, s’il tient des guitares pour Al depuis l’album Orange, commence ici à s’affirmer comme le monstre qu’il est en guitariste soliste.

Entrons dans le vif du sujet avant que je ne me confonde en éloges abstraites avec l’excitation d’une collégienne qui va voir un concert de lycéens. L’album peut se découper entre deux parties distinctes, la première peuplée presque exclusivement d’excellents morceaux plutôt courts et très variées, la deuxième de trois chef-d’œuvres un peu plus long, mais variés aussi.

Commençons par la première partie. Dès les premières mesures de "Carol", un constat est fait : le son est parfait. La guitare acoustique sonne comme jamais, le petit piano est juste ce qu’il faut en retrait, la voix d’Al est superbe, débarrassée des quelques approximations qui persistaient sur les deux albums précédents, la basse est pleine, parfaitement placée dans le mix. La musique de STEWART entre de plein pieds dans la cour des grands. Le morceau est excellent, avec une fausse simplicité, un folk rock parsemé de petits détails et d’influences infimes mais infinies, particulièrement dans les rythmiques. La guitare électrique place des riffs mélodieux, et le double solo est superbe, limpide et sans esbroufe (quand je vous disais que Renwick était un monstre).

Après cette réussite, on enchaîne avec "Sirens of Titan", morceau plus court avec une ambiance formidable, lui aussi blindé de détails (des castagnettes, ce qui semble être un clavecin…) et de beauté (des chœurs aériens en arrière plan). Le solo de guitare est court mais superbe. Le chant de STEWART, loin de la puissance des chanteurs à voix, fait, comme dans tout l’album d’ailleurs, un usage parfait de son charme britannique indéfinissable mais si plaisant.

Les deux morceaux suivants ont un son plus ouaté, mais toujours aussi précis. "Not The One" est une ballade dominée par ce qui semble être un Fender Rhodes au son si agréable (qui se fend d’ailleurs d’un superbe et entraînant solo) avec toujours des rythmiques exotiques, confirmées d’ailleurs par le solo de guitare presque hawaïen (je parle beaucoup des solos, je sais, mais j’adore ça, il y en a plein, et ils sont tous superbes sur cet album). La voix de STEWART sait faire passer l’émotion tout en gardant son flegme, c’est de toute botté (comme dirait le chat). Quant à "What’s Going On", il est dominé par les guitares acoustiques et une rythmique samba tenue par la basse et particulièrement des bongos. Le chant est brumeux, rêveur, un harmonica au jeu parfait survole le tout, et le solo de guitare acoustique central, à mi-chemin entre le folk et le latino, est brillamment exécuté, plus encore que celui de guitare électrique qui clôt le titre. Le contraste entre la rythmique dansante, entraînante, et le son aérien et relaxant du reste fonctionne dans une symbiose étonnante et magique.

On en est à 4 titres, et pour l’instant c’est le sans faute. Pas un morceau semblable, un éclectisme ravissant, lié cependant par une cohérence incontestable et par une qualité indiscutable (vous pouvez quand même discuter, on est en démocratie). On conclue la Face A du LP (nostalgie, nostalgie… Non je déconne, j’ai jamais eu de vinyles) avec sans doute le morceau que j’aime le moins de l’album. "Next Time" est un folk un peu monotone, dominé par les guitares acoustiques répétitives, un harmonica et le chant de STEWART, ici un peu réverbéré et monocorde. Le professionnalisme des musiciens comme du producteur sont toujours là, ce n’est pas un mauvais morceau, mais un peu trop linéaire, et il a tendance à m’ennuyer.

Mais pas de panique, Monique (et les gens qui ont d’autres prénoms), la deuxième partie annoncée commence juste après. "Apple Cider Reconstitution" démarre sur les chapeaux de roux (ils ont le droit de porter des chapeaux eux-aussi, je suis pour l’égalité), drivé par la basse, la guitare et un piano bastringue qui disent au revoir aux rythmiques exotiques pour revenir au rock. Stewart est parfait dans le genre, avec des mélodies inspirées et magnifiquement interprétées. Encore une fois, une foultitude de détails parsèment le morceau, on entend même quelques orchestrations (menées par l’arrangeur Andrew Powell, le complice de PARSONS). Le solo de guitare de Renwick est un modèle du genre, y’a pas à dire. Chaque fois que je dois définir ce qu’est un morceau de folk rock parfait, c’est ce morceau qui me vient en tête.

Et c’est suivi par un autre chef-d’œuvre, une ballade crépusculaire, aquatique, "Dark and The Rolling Sea". Le chant de STEWART y est parfait, l’ambiance nous choppe aux tripes. Elle est procurée par les claviers discrets en arrière plan qui sonnent comme des accordéons de marin, mais surtout par… la guitare électrique, mélancolique et mélodique à souhait. C’est magnifique, il n’y a pas d’autre mot (lâche ce dictionnaire ! Un peu de confiance, merde !).

Dernier morceau de l’album, Modern Times renoue avec les penchants légèrement progressifs de Stewart, du haut de ses 8 minutes. Il démarre sur la voix d’AL STEWART a capella sur un fond de conversations de bar. C’est déjà superbe. Petit à petit (oui, l’oiseau fait son nid, mais ce n’est pas le sujet), les instruments (piano, basse, batterie, guitares, orchestre) entrent, repartent, s’alternent, suivant la constante qu’est la voix de STEWART, parfaite dans son récit, qui nous rappelle quel conteur il sait être. Progressif oblige, il y a de la rupture de rythme, des reprises de thèmes, et contrairement aux longues plages de l’album précédent, on ne souffre d’aucun ennui. Les deux dernières minutes sont occupées par un superbe solo de guitare électrique, soutenu par l’orchestre. Il n’y a pas de meilleure façon de conclure un album.

Notons que sur la version de 2007, on a droit à 3 titres bonus : "Swallow Wind", "Sense Of Deja Vu" et "Willie the King", dont je dirais simplement (ayant déjà été long) qu’ils sont de la qualité des bons morceaux de la première partie de l’album.

Ce Modern Times est superbe. Une Face A peuplée de morceaux faussement simplistes et d’une qualité exemplaire, la Face B remplie par trois morceaux frôlant la perfection, le tout d’un éclectisme exemplaire qui ne nuit pourtant pas à la cohérence de l’album. Tout le long, les arrangements sont intelligents, le son parfait, les musiciens talentueux, les solistes mis en avant à raison, la rythmique inventive. Les compositions de STEWART sont tantôt enthousiasmantes, tantôt sublimes, elles ont le même flegme simple et sensible que son chant. Et pourtant, pour certains, le classique ultime du briton reste à venir : The Year Of The Cat…

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1. Carol
2. Sirens Of Titan
3. What's Going On
4. Not The One
5. Next Time
6. Apple Cider Reconstitution
7. Dark And The Rolling Sea
8. Modern Times



             



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