Recherche avancée       Liste groupes



      
ELECTRO / ROCK / SYMPHO  |  B.O FILM/SERIE

L' auteur
Acheter Cet Album
 


 

- Membre : Ian Dury, Chaz & Storrs Jankel
- Style + Membre : Chaz Jankel & Brenda Jones

Chaz JANKEL - D.o.a. (1988)
Par BAKER le 30 Novembre 2018          Consultée 883 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Les années 80 n'ont pas été tendres avec les artistes, et Chaz JANKEL n'a pas échappé à la règle. En 1986, il sort un 45 tours en duo avec la chanteuse Brenda JONES "You're my occupation". Un retour assez prononcé au funk de Chasanova / Chazablanca, mais avec un son plus contemporain, lorgnant plus vers la dance naissante sans sacrifier une certaine prestance qui le caractérise. Malgré un joli succès d'estime, le single ne sera pas suivi d'un album comme prévu : A&M lâche son poulain. L'aventure discographique de JANKEL aurait pu s'arrêter net mais un signe du destin le fera sortir un dernier CD important avant la fin de la décennie.

Sa soeur, Annabel Jankel, est en effet réalisatrice, en tandem avec Rocky Morton. La paire a connu le succès grâce à de nombreux clips mais surtout la série culte et pionnière Max Headroom. Le duo s'apprête à tourner leur premier film Hollywoodien, un remake du film noir Mort à l'Arrivée de Rudolph Maté. L'histoire génialement simple d'un homme qui doit enquêter sur... sa propre mort, étant empoisonné et condamné à court terme. C'est naturellement qu'Annabel demande à son frère de composer la musique, et ce n'est pas forcément un cadeau. Car quitte à refaire un film considéré comme un classique du genre, le duo de réalisateurs décide de jouer à fond la carte de l'esthétisme, que ce soit côté image... et côté son.

Mort à l'Arrivée est un film polarisant, adulé par certains, cordialement détesté par d'autres tant il représente les années 80 dans tous leurs excès. La mise en scène est virtuose et utilise de nombreux effets, y compris des effets vidéo apposés à un tournage en pellicule, la photographie est brillante et innovatrice (notamment les passages en noir et blanc traités de façon radicale), la bande sonore est très riche, le but étant de retranscrire en images et son la dégénérescence physique, rapide et inévitable, du héros. Scénarisé par un Charles Edward Pogue tout juste sorti du succès de La Mouche, D.O.A. mélange le film noir dans toute sa splendeur (crimes passionnels, intrigues familiales, noirceur du propos, femmes fatales) avec le clinquant assumé des années 80, et une très belle réflexion sur la création artistique.

Chaz se retrouve donc avec un double défi : écrire une partition qui rende hommage au romantisme macabre de ces bijoux Hollywoodiens des années 40/50, associée à des morceaux plus typés action et d'autres purement rock / funk faisant appel à tous les artifices de la décennie présente. Ne tournons pas autour du pot : globalement, JANKEL a totalement réussi son pari. Nonobstant quelques passages purement illustratifs qui ne sont que des sons de synthé dark (citons en vrac "Fight", "Gail is Killed", "Suicide" ou pire, "Murder" qui en prime est très cheap), il réussit à écrire un thème principal développable à l'infini et mélange les sonorités et ambiances de façon régulière et convaincante.

Rien que l'intro du film est un parfait résumé : le thème joué aux cordes de façon classique, sensible, avec ce romantisme fiévreux et cette noirceur poisseuse, puis un claquement et vous voilà dans le funk des années 80, toute slap bass méchante dehors, la guitare qui hurle, la boîte à rythme qui pète, pour finir sur un riff de guitare clair qui à lui seul définit la musique de suspens de la décennie huitante. Tel que, c'est déjà un bijou ; associé aux images exceptionnelles de Yuri Neyman, c'est un choc. En matière de musique illustrative, il ne fait d'ailleurs pas que de l'oubliable : "Office Wreck" par exemple est si pompier dans son traitement violent qu'il en devient presque jouissif. "D.O.A." - le titre, le premier - fait dans le lourd mais avec une efficacité terrifiante - ces cordes à la Bernard HERRMANN !

Côté romantisme aussi, il sait comment s'y prendre. "The Phone Call" est un très beau morceau, "The Office" montre qu'il peut tirer sur la corde sensible avec 5 notes de piano, "Tar Pit" est une reprise de "Phone Call" avec un final aux harmonies à vous tirer les larmes. Et si l'ouverture du film ne vous suffisait pas, JANKEL sort de son chapeau deux autres titres somptueux : "Walking Dead" est le générique de fin de rêve, instrumental rock accrocheur au final impeccable (cette guitare qui vrombit... tel le couperet final). et "Love Scene", mon dieu, "Love Scene" quoi, un titre d'un romantisme ultra-exacerbé, une montée en puissance inexorable, lente, oppressante, avant le climax qui explose de façon thermonucléaire, guitare miaulante et gros strings sirupeux en vedette, un pur régal. Evidemment, si vous n'aimez pas le suresthétisme de l'ultra-cinéma des 80s, vous allez en vomir votre breakfast.

Trois titres indispensables, quelques autres très bien faits, des déchets mais le pourcentage habituel dans les musiques de film, tout va bien alors ? Non. Si la musique est excellente, le disque l'est beaucoup moins. Sorti sous le label Varese Sarabande, le mastodonte des années 80 réputé pour ne pas toujours apporter le soin nécessaire à ses éditions, D.O.A. souffre d'un tracklisting calamiteux. Déjà, la musique n'est pas dans l'ordre du film ; ça pourrait passer musicalement, mais même sans connaître le film quelques choix sont hasardeux. Ensuite, vous avez deux fois un titre intitulé "D.O.A.", ça ne fait pas sérieux. Pire : l'un d'eux est en DOUBLE sur l'album : "D.O.A." deuxième du nom est "Walking Dead", soit le générique de fin, mais dans un mixage beaucoup plus fade. Et que fait-il en plein milieu du disque ?

Ne parlons pas des titres (nominatifs) curieux : "Tar Pit" est, on l'a vu, somptueux... mais n'a jamais été l'illustration de la bagarre dans la fosse à goudron ! "Gail's gift", la reprise d'un classique de WOLFGANG, est mignonne mais ce n'est pas du tout Gail's Gift (une boîte à musique), c'est la bande sonore de la réception organisée par Charlotte Rampling. "The Nail Gun" n'a jamais illustré... eh bien the nail gun, "The Alley" est une énorme erreur conceptuelle puisqu'il reprend "Love Scene", en beaucoup moins bien, deux pauvres minutes après icelle. Quitte à jouer avec l'ordre, autant varier. Mais il y a plus grave encore, inadmissible même : l'absence totale du titre de deux minutes illustrant la folle course de "Dex" après avoir appris son funeste destin. Mélange de hard rock et de gospel tourmenté et fataliste, ce titre à l'intro hallucinante (la guitare de Chaz imitant un électrocardiogramme plat) est un des plus puissants titres de B.O. de la décennie, un chef-d'oeuvre. Qui restera inédit, hélas.

Le disque édité par Varèse Sarabande, quoi que recommandable, n'est donc pas du tout à la hauteur des efforts prodigués par notre jeune compositeur ; mais la malédiction ne s'arrête pas là. A part un single "Nicaragua" (introuvable) et la musique de Killing Dad, écrite avec David STORRS et peu médiatisée, JANKEL ne sortira plus rien en solo avant 2001. Il se verra offrir quelques musiques de film mais rien d'aussi intéressant que D.O.A. Pire : engagé pour la musique du (télé ?) film K2, il se verra décommissionné au profit de Hans ZIMMER. Non seulement ce sera un des meilleurs travaux de ZIMMER, mais la musique de JANKEL sera purement et simplement... détruite, la maison de production réutilisant ses bandes pour enregistrer des émissions par dessus. L'ultime manque de respect à un artiste : la destruction de son oeuvre. "Publish or perish" : Chaz choisira l'éclipse et reviendra dans le cocon maternel des BLOCKHEADS de Ian DURY. En attendant, il quitte la décennie 80 avec deux tubes immortels derrière lui. Certains ne peuvent pas en dire autant.

Note finale : 4 pour la musique, 2,5 pour le disque

A lire aussi en MUSIQUE CONTEMPORAINE par BAKER :


Brad MEHLDAU
After Bach (2018)
Album diesel de toutes les extravagances.




APOCALYPTICA
Aquarela (2019)
La rage des éléments


Marquez et partagez





 
   BAKER

 
  N/A



- Chaz Jankel (claviers, prog, guitare, basse)
- Autres Instrumentistes Non Crédités


1. Opening
2. D.o.a.
3. The Phone Call
4. Office Wreck
5. The Office
6. D.o.a.
7. The Nail Gun
8. Gail's Gift
9. Fight
10. Love Scene
11. Gail Is Killed
12. The Alley
13. Suicide
14. Murder
15. Tar Pit
16. Elaine Tells Dex
17. Walking Dead



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod