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- Style : Candi Staton

Bettye LAVETTE - Blackbirds (2020)
Par LE KINGBEE le 18 Octobre 2020          Consultée 1773 fois

La Diva remet le couvert deux ans après "Things Have Changed" avec à la clef un album concept. Quinze ans après "I’ve Got My Own Hell To Raise", un album somptueux qui la remettait en selle, Bettye LaVette signe son second opus chez Verve. C’est à Ashley Pawlak, une jeune peintre designer de New York que l’on doit cette superbe pochette que certains jugeront peut être trop noire et morose. La graphiste n’est pas une inconnue, elle est l’auteure de plusieurs pochettes pour Toni Braxton et Greta Van Fleet.

Elle retrouve le producteur batteur Steve Jordan, déjà présent sur l’album précédent. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? A l’instar de la production, Bettye a enregistré son recueil à Brooklyn dans les studios de Dave O’Donnell, lui aussi présent dans l’opus précédent. Rappelons qu’on lui doit "Before This World" (James TAYLOR) et le "Crosseyed Heart" de Keith RICHARDS. Si on retrouve une grosse partie de la troupe de violonistes et violoncellistes présents sur "Things Have Changed", Jordan lui attribue un nouveau guitariste en la personne de Steve Hormel (ex-Blasters et déjà entendu auprès de Marianne FAITHFULL, Tom WAITS, Beck ou Steve EARLE). C’est une équipe très soudée et pleine de cohésion qui accompagne la chanteuse. Cette fois-ci, pas de cuivres, les arrangements et l’orchestration s’orientent vers une sonorité et une coloration épurées, plus délicate mais néanmoins hyper-puissante.

Si LaVette s’attaque à un répertoire presque exclusivement féminin, elle s’intéresse à des chanteuses par le biais de titres qui l’ont marqué et non pas de leurs auteurs. Lors d’une récente interview, elle déclarait que Ruth BROWN, Della Reese, Nancy Wilson et consorts lui avaient permis de construire un pont, pont qu’elle a depuis traversé. A défaut de le répéter, Bettye LaVette n’est pas une auteure très prolifique, mais la native du Michigan demeure une magnifique interprète qui parvient souvent à se réapproprier les chansons qui deviennent siennes.
En ouverture, il faut bien tendre l’oreille pour reconnaître "I Hold No Grudge" de Nina SIMONE. Certes, il s’agit d’un inusité mais l’orchestration avec cette ligne de basse hyper ronde et très active et des volutes de claviers n’ont plus rien à voir avec la version originale qui paraît d’un coup bien ampoulée et bien vieillotte. Autre inusité emprunté cette fois au répertoire de Della Reese, "Blues For The Weepers" prend un sacré coup de jeune. Là, elle parvient à faire pulser un sentiment dramatique puissant. Repris par Lou Rawls et par Ruth Olay pourtant accompagnée d'Herb Ellis et Ray Brown, dans des versions qui sonnent bien mollassonnes, comme sans vie. Autre rareté avec "Book Of Lies"⃰ une petite douceur de Ruth BROWN ; si l’original donnait de bons rôles au pianiste Dick Hyman et au guitariste Al Caiola, là Bettye commence a capella pendant une trentaine de secondes, assez pour apporter une tension que l’orgue et la guitare viennent atténuer via un nappage raffiné et délié. Du cousu main. Ancienne choriste de Leonard COHEN, Sharon Robinson demeure une auteure réputée pour la qualité de ses textes et de mélodies pour piano. Bettye lui reprend "One More Song", la grosse surprise de l’album, une chanson qui mérite une mention.

Au rayon des titres plus connus, elle délivre une excellente version de "Romance In The Dark", le plus grand succès de Lil’ Green. Cette reprise n’est guère surprenante : après avoir œuvré avec succès à Chicago, Lil Green viendra s’établir à Detroit, ville où Bettye LaVette passa son enfance. Dans la version originale, Lil’ Green était secondée par la guitare acoustique du bluesman Big Bill Bronzy. Ici il faut encore bien tendre les oreilles pour reconnaître la mélodie. Si la rythmique confère au morceau une direction flirtant entre Jazz et Soul, les notes de guitares n’ont plus rien à voir avec celles de Bronzy. Même chose pour le chant, Lil Green disposait d’un timbre « petite fille » alors qu’ici Bettye LaVette explose carrément le titre via un chant plein d’expérience et d’érotisme. Une reprise extrêmement travaillée, parmi les meilleures avec celles d’Esther Phillips et Cindy LAUPER. Elle reprend "Drinking Again" enregistré au début des sixties par Gloria Lynne. Le titre qu’on accrédite par erreur à Dinah Washingon fera l’objet de nombreuses reprises. Si un pizzicato de guitare lance l’intro à l’image d’un petit tambour, le chant est porté par les intonations de voix de la chanteuse et la présence d’un vibraphone des plus subtils. Si la version originale très Jazzy n’a guère d’équivalent, Bettye s’en tire encore haut la main, se réappropriant la chanson. Elle relègue à des années lumière les reprises d’Aretha FRANKLIN bien amorphe, de Frank SINATRA et de Trisha Yearwood, star de la Country contemporaine. Il aurait été étonnant que le nom de Billie Holiday n’apparaisse pas dans cet album. C’est chose faite avec "Strange Fruit", titre lié au Mouvement des Droits Civiques et interprété dès 1939 par Holiday. Si le texte parle d’un étrange fruit (un noir pendu à un arbre) et fait clairement référence au lynchage, loisir que certains blancs du Sud pratiquaient afin de se divertir, on peut se demander quelle évolution a connue la première puissance mondiale en 80 ans, à une époque où le mouvement BlackLivesMatter apparaissait sur toutes les télés de la planète. Version épurée qui nous paraît nettement plus puissante que celles délivrées par Jeff BUCKLEY, Diana ROSS ou UB 40. Si "Save Your Love For Me" peut faire figure d’intrus, le morceau étant l’œuvre de Buddy Johnson, célèbre chef d’orchestre de R&B, il a été repris par de nombreuses vocalistes de Jazz. Là, Bettye est accompagnée d’un piano et d’une basse électrique sonnant comme une contrebasse dans une interprétation Jazzy toujours aussi dramatique. En titre de clôture, le quidam pourra se demander ce que vient faire "Blackbird", célèbre compo de Paul McCartney figurant dans le célèbre doble album blanc. Le titre a été repris à toutes les sauces (Jazz Instrumental ou Vocal, Folk, Pop, Reggae et j’en passe) et la chanteuse nous en délivre une version émouvante en diable. Alors si vous vous demandez pourquoi la présence de ce titre, écoutez bien les paroles et vous risquerez de trouver une métaphore entre le merle (le blackbird) et une fille à la peau noire.

Des arrangements élégants, une orchestration distinguée, un accompagnement sobre mais terriblement chiadé, un choix de titres judicieux traçant un fil rouge tenant remarquablement la route sont des atouts sans faille. Ajoutez-y une voix pleine d’émotion, parfois au comble de la dramaturgie, et vous avez entre les mains l’un des disques Soul Jazz de l’annéé, malgré des textes souvent pessimistes, d'où le pluriel utilisé pour le titre, à contrario du titre des BEATLES, une petite différence d'orthographe qui accentue le caractère morose de l'album plein de vilains oiseaux noirs, signe de mauvais augure.

⃰ Titre homonyme à ceux de SAGA et URIAH HEEP.

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   LE KINGBEE

 
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- Bettye Lavette (chant)
- Smokey Hormel (guitare)
- Tom Barney (basse)
- Steve Jordan (batterie)
- Leon Pendarvis (claviers)
- Monte Croft (vibraphone 2-6-8)
- Charisa Rouse (violon 1-6-7-9)
- Ina Paris (violon 1-6-7-9)
- Rose Bartu (violon 1-6-7-9)
- Nioka Workman (violoncelle 1-6-7-9)


1. I Hold No Grudge
2. One More Song
3. Blues For The Weepers
4. Book Of Lies
5. Romance In The Dark
6. Drinking Again
7. Strange Fruit
8. Save Your Love For Me
9. Blackbird



             



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