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- Style : Candi Staton

Bettye LAVETTE - Interpretations: The British Rock Songbook (2010)
Par LE KINGBEE le 22 Juin 2020          Consultée 1745 fois

A la fin de son contrat avec le label Blues Express en 2002, Bettye LAVETTE▪ allait rebondir chez Anti. Certaines signatures sont parfois liées à d’étranges concours de circonstance. Cette année là, John Goddard, patron de Mill Valley Records, un magasin de disque à l’ancienne situé à vingt bornes au nord du Golden Gate de San Francisco, veut fêter son anniversaire en grande pompe. Fan de la chanteuse, il l’invite à sa fiesta prétextant que certains grands décisionnaires de l’industrie phonographique seront là. Mike Kappus patron de l’agence Rosebud était de la partie et c’est lui qui trois ans plus tard conseillera vivement à Andy Kaulkin, patron du label Anti, d’engager la native du Michigan.

Après avoir été invitée à chanter lors du discours inaugural du Président Obama en 2009, Bettye LAVETTE connaissait une seconde partie de carrière proche du firmament. Il arrive parfois que la balance penche du bon côté. Enregistré en aout 2009 au très prisé Water Music Recorders à Hoboken (New Jersey), Bettye connaissait un très net regain de popularité auprès du public. Sa prestation télévisée à l’Opera Kennedy Center⃰, lors d’une soirée hommage aux WHO, au countryman George JONES, Barbara STREISAND et l’acteur Morgan Freeman, durant laquelle elle reprenait "Love Reign O’Er Me", titre figurant dans « Quadrophenia » avait époustouflé l’Amérique entière.

Selon un principe similaire, la Diva s’attaquait à 12 titres popularisés par des groupes de Rock anglais des années 60/70. Lors de la sortie du disque, LAVETTE déclarait ignorer plus de la moitié de ces 12 titres, le projet étant conçu au départ par Kevin Kiley, l’époux de la chanteuse. Alors oui, il s’agit encore d’un album de reprise, mais Bettye n’a jamais été une grande songwriter, excusez l’euphémisme, c’est avant tout une interprète. Mais contrairement à de nombreuses chanteuses américaines, elle se réapproprie carrément la plupart de ces douze chansons, d’autant que certains textes ont été légèrement modifiés de façon à coller au personnage et à l’époque.

Coproduit par Bettye LAVETTE, Michael Stevens⃰, un producteur d’événementiels et de cinéma, et Rob Mathes, un touche à tout compositeur, arrangeur, multi instrumentiste déjà entendu auprès d’artistes aussi variés que Céline DION, Shelby LYNNE, Vanessa WILLIAMS, STING, Luciano PAVAROTTI ou les RASCAL FLATTS. Ces trois personnalités venues d’horizons diamétralement opposés réussissent à offrir une production soignée particulièrement aboutie. Si LAVETTE a toujours été fortement impliquée dans tout ce qu’elle chante, la clef de la réussite ici résulte en dehors de la qualité de son chant dans le fait qu’elle puisse véritablement habiter ces chansons jusqu'à les faire siennes.

En ouverture, il faut bien tendre l’oreille pour tenter de reconnaître "The Word", titre figurant dans Ruber Soul, album de transition des BEATLES. D'autant plus que le morceau débute par dix secondes chantées a capela, le ton parfois bon enfant des Fab Four se retrouve comme complètement gommé, remplacé par une voix aussi mature que sexy. A chacun de s’imaginer si le choix d’entamer ce recueil par un titre des BEATLES est voulu ou pas. Pour ma part, il me semblait difficile de ne pas faire figurer les Fab Four à une telle place, tant leur empreinte est grande sur la musique populaire anglaise. "No Time To Live", issu du second disque de TRAFFIC, se retrouve effacé de tous ses artifices Psyché. La flûte et le sax de Chris WOOD, l’orgue Hammond de Steve WINWOOD disparaissent de la toile, remplacés par un piano et une contrebasse.

Les fans de Led ZEPPELIN devraient reconnaître plus facilement "All My Love", une ballade bourrée de violonades de John Paul JONES figurant dans In Through The Out Door, probablement le disque studio le plus anecdotique de la bande à PLANT. Excellente tragédienne, Bettye nous offre ici une démonstration de Soul épurée portée par un incroyable dramatisme. Elle laisse dans leurs coins trois des BEATLES pour s’attaquer à "Isn’t It A Pity", chanson de George HARRISON figurant en bonne place dans son triple album All Things Must Pass. Là encore, l’accompagnement minimaliste permet de mettre en avant le timbre spectral de la chanteuse. Certes l’exercice n’est pas nouveau, Nina SIMONE avait repris le titre à l’orée des seventies, mais le chant de LAVETTE apporte ici une dimension nettement plus grande. Rien à voir avec la reprise mi Pop mi Variété des THREE DEGREES.

Probablement pour ne pas créer de jalousie au sein de la communauté Beatles, elle s’attaque à "It Don’t Come Easy", l’un des premier succès de Ringo STARR. Si la version originale sonne gentillette et benêt avec Klaus VOORMANN à la basse et l’organiste Billy PRESTON, elle nous délivre ici une vraie pièce de Soul Blues renforcé par le bottleneck de Rob MATHES, une amertume presque autobiographique prend la place de la bonhomie enfantine du brave Ringo. Afin d’accentuer le texte, elle supprime les six premières strophes du pauvre Ringo commençant le titre par : "You wanna sing the blues – And you know it don’t come easy". Pour ne pas faire d’histoire, elle reprend une chanson d’un troisième BEATLES avec "Maybe I’m Amazed", une déclaration d’amour de Paul McCARTNEY à sa femme Linda. Repris par Sandie SHAW, Petula CLARK ou Joe COCKER, la présente version se situe sur une autre galaxie.

Il aurait été bizarre d’écrémer la Pop Rock anglaise sixties seventies sans reprendre les ROLLING STONES, cela aurait fait l’effet de la pierre reçue en pleine gueule. La native du Michigan reprend l’ambigu "Salt Of The Earth" issu de Beggars Banquet. Si le titre chanté par Keith Richards faisait allusion à un passage biblique (le sel de la terre), l’orchestration prend des allures de Gospel, procédé bienvenu qui casse le ton de l’ensemble, la section cuivre sonnant pour l’occasion comme les trompettes de Jericho. Pareillement aux STONES, il aurait été curieux de ne pas farfouiller dans le répertoire d’Eric CLAPTON, et là c’est une reprise de DEREK & The DOMINOS à laquelle s’attaque la chanteuse. Encore une fois, le titre subi une totale métamorphose avec une grosse ligne de basse, des cuivres qui viennent épicer les arômes et une guitare funky qui tranche avec le reste du disque. Si vous êtes comme moi assez fan des DOMINOS, il faut avouer que cette version prend un sérieux coup de jeune.

S’ensuit un titre de l’homme à lunette le plus connu d’Angleterre avec "Don’t Let The Sun Go Down On Me", une ballade guimauve cul-cul la praline reprise à toutes les sauces. Là c’est une version presque a capela que nous assène Bettye, la guitare et la contrebasse s’offrant juste quelques ondulations pour un morceau de pur Americana. Trois gros blockbusters viennent agrémenter le disque : "Nights In White Satin", hit des MOODY BLUES, en aura connu des vertes et des pas mures. On ne compte plus le nombre de massacres, chez nous Marie LAFORET adaptera le morceau avec "Blanche Nuit de Satin" tandis qu’Alain BASHUNG en délivrera une version très correcte. Encore une fois, sans avoir l’air de forcer, elle nous balance une vraie claque, se réappropriant le morceau sur un tempo aussi délicat que languissant, c’est simple on se croirait dans une procession, les croyants portant Jesus sur sa croix ayant pris soin de l’enrober d’un linceul de satin.
Arrivé à ce stade de la chronique, on peut s’imaginer les fans de PINK FLOYD trépigner d’impatience. Qu’ils ne se découragent pas, en milieu de piste, Bettye nous délivre un "Wish You Were Here" qui a de la gueule. Si les FLOYD avaient concouru à un Prog de référence, là Bettye nous assène une version plus sombre où il est question de morts et d’amis trop vite partis. Troisième et dernier gros carton avec "Don’t Let Me Be Misunderstood". Si le titre a été enregistré pour la première fois par Nina SIMONE, il connaîtra un succès mondial grâce à la version des ANIMALS d’Eric BURDON. Là encore, la chanteuse consolide une forte tension dramatique sous un accompagnement mêlant sobriété et délicatesse.

A la lecture de ces modestes lignes, certains pourraient s’étonner de ne pas voir figurer un titre des WHO. C’est chose faite avec l’incorporation en bonus de "Love Reign O'er Me" enregistré lors de la cérémonie au Kennedy Center, chanson interprétée sous les yeux ébahis de Pete TOWSEND et Roger DALTREY. Hormis The KINKS, PRETTY THINGS, SOFT MACHINE, FREE et The YARDBIRDS, elle reprend le plus gros des troupes anglaises des années 60, 70. Un disque de relectures puissantes et hautement dramatiques. Un vrai Must !

▪ Depuis plusieurs années la bonne orthographe de son patronyme est Bettye LaVette.
⃰ Michael Stevens est décédé en 2015, à 48 ans victime d’un cancer à l’estomac.

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- Bettye Lavette (chant)
- Rob Mathes (claviers, guitare, chœurs)
- Shane Fontayne (guitare)
- Zev Katz (contrebasse, basse)
- Charley Drayton (batterie, percussions)
- Aaron Heick (saxophone)
- Andy Snitzer (saxophone)
- Jeff Kievit (trompette)
- Mike Davis (trombone)
- Vaneese Thomas (chœurs)
- Tabitha Fair (chœurs)
- James Williams (chœurs)


1. The Word
2. No Time To Live
3. Don't Let Me Be Misunderstood
4. All My Love
5. Isn't It A Pity
6. Wish You Were Here
7. It Don't Come Easy
8. Maybe I'm Amazed
9. Salt Of The Earth
10. Nights In White Satin
11. Why Does Love Got To Be So Sad
12. Don't Let The Sun Go Down On Me
13. Bonus Track
14. Love Reign O'er Me



             



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