À l'écoute de Halcyon Days, on sent combien le piano avait manqué à Bruce HORNSBY, et pas que, si l'on en juge les critiques qui n'ont point hésité à classer Big Swing Face comme l'un des disques les plus bizarres de l'années 2002. Avec le petit nouveau enregistré en compagnie des NOISEMAKERS, publié en 2004 par Columbia Records, HORNSBY tient sa meilleure performance dans les charts (86ème place) depuis dix ans et l'époque de Hot House. On se demande d'ailleurs comment il n'a pu faire mieux, vu les stars qui sont conviées...

Soulagement mince en termes de succès, car musical avant tout. Les mélodies et la production de Halcyon Days sont à la fois lumineuses et contiennent une pointe de nostalgie comme l'illustre parfaitement le titre : "halcyon" reste le mot anglophone pour l'oiseau martin-pêcheur, mais depuis Shakespeare, l'expression "halcyon days" se réfère aux beaux jours passés, ceux de la jeunesse.

De Big Swing Face, notre Virginien a gardé quelques boîtes à rythmes, effets sur les guitares, mais une nouvelle fois, c'est le piano quasiment absent du disque précédent qui ressort ici le mieux, dès les premières mesures du très beau "Gonna Be Some Changes Made". Une mélodie simple avec peu de notes, une ambiance nu-soul/r'n'b chaleureuse préférable à celle qui domine les tops ventes internationaux à l'époque, et un chant dont la verve sur certains refrains fait penser à celui de Bob DYLAN. Façon de dire que de "The Times They're a-Changin'" à "Gonna Be Some Changes Made", il n'y a qu'un pas ? Musicalement bien différent, mais la folk demeure une base pour eux.

HORNSBY s'en va chercher ailleurs lorsqu'au milieu de l'album, il retrouve une direction d'arrangements plutôt acoustique. Il y a l'instrumental classieux "Song F" au piano et aux cordes. Il y a aussi le trio constitué par "Hooray for Tom", ballade au piano et auréolé de cordes, ainsi que "What the Hell Happened" et "Heir Gordon", morceaux légers où l'on reconnaît les clarinettes et autres vents de Bobby Read, des NOISEMAKERS.

Plutôt que DYLAN, notre artiste se dirige ici vers un blues humoristique à la Randy NEWMAN, pour le côté suave et désabusé (la ballade) comme le versant enlevé, boogie et New Orleans, même si "Heir Gordon" et au final plutôt une redite de l'excellent "What the Hell Happened". HORNSBY donne une couleur black à son chant, il y a une sorte d'"émerveillement vocal" qui accompagne une fausse improvisation extrêmement bien arrangée autour de la partition de piano. Un régal, augmenté par l'idée que le musicien se fait totalement plaisir.

La liberté toute jazzy de certaines chansons n'éclipse pas l'écriture pop et les arrangements denses, comme en témoignent "Candy Mountain Run", "Circus at the Moon" et "Mirror on the Wall". Garnis de loops massifs mais aussi d'éléments aériens (harmonies, sons de piano, claviers et guitares, sitar programmés...), ces trois titres splendides donnent un goût de ce que ferait HORNSBY avec THE RANGE si le groupe avait perduré. Avec cependant, des intonations plus "black" dans le chant, puisque les choeurs negro-spiritual sont légion sur Halcyon Days, eux aussi.

Et qui croise-t-on sur "Candy Mountain Run" mais aussi "Gonna Be Some Changes Made" et "Halcyon Days" ? Eric "God" CLAPTON en personne, parfois pour de brillants solos, parfois juste pour souligner les mélodies vocales, mais cela reste énorme. Sur la troisième, le morceau-titre, il y a également STING qui vient prêter sa voix, tandis que sur "Dreamland", ce n'est ni plus ni moins que Sir Elton JOHN, pour un duo remarquable. Deux ballades magnifiques voguant entre r'n'b et folk, toujours avec chaleur grâce aux mélodies, aux lignes chantées, aux nappes de claviers... Sucré, mais point trop pour qui connait bien HORNSBY, d'autant que les arrangements sont riches, surprenants. Un disque à écouter pour cela, pour tout en fait, sauf la fin, légèrement moins bonne !