Une compilation peut être un disque suffisamment intéressant pour former un tout. Et à ce stade de la carrière de CLANNAD, il a des airs de bilan, de rideau.

Le groupe irlandais, resté parmi les plus grands derrière U2 et malgré son manque d'activité régulière depuis vingt ans, a déjà eu son lot de compilations. Deux sortes de greatest hits notamment : Past Present (1989) et la première version de In a Lifetime en 2003, double CD mais uniquement par la présence d'un mini-disque constitué de remixes. La nouvelle version de cette compilation parue en 2020 ne fait que reprendre le titre de la chanson bien connue du grand public, en duo avec Bono. Elle se rapproche mieux d'une autre compilation parue en 2002, Magical Gathering: The Clannad Anthology, qui proposait déjà une véritable rétrospective sur une trentaine de titres, mais sans inédits.

À force de publier ce genre de disque et à répétition sur une courte période, on s'emmêle les pinceaux. Aussi valait-il mieux attendre un grand âge pour la célèbre famille Brennan-Duggan de Gweedore, comté du Donegal. Sans espoir qu'un album nouveau paraisse prochainement ou même un jour, CLANNAD avait programmé quelques dates en Irlande et en Grande-Bretagne pour ce printemps et sorti ce recueil pour coïncider avec le début de la tournée. BMG le propose sous forme basique, CD ou vinyle double, mais en très bel objet complet, version 5 CDs colorés (dont un d'inédits à l'intérêt limité, reprenant les remixes de 2003), vinyles et un livret enrichi.

Pour ses 50 ans, CLANNAD donne la double occasion aux fans de se faire plaisir et aux autres de mieux les découvrir. Un double CD est raisonnable, sachant que chaque album depuis 1972 jusqu'à Nádúr (2013) est représenté de façon égalitaire, à raison de deux ou trois extraits chacun (quatre ou cinq sur la version super deluxe), même - chose non négligeable ! - les deux disques d'illustration sonore, Atlantic Realm et The Angel and the Soldier Boy. C'est aussi une belle façon de redécouvrir certains trésors comme ceux de la période Tara Records, avec le duo Crann Ull (1980) et Fuaim (1982) – incluant les titres où ENYA ressort dans les choeurs ! -, peu aisés à trouver dans le commerce et depuis longtemps.

Parfois, le tronquage de la version 2 CD basique donne l'impression d'avoir été un peu vite, notamment durant les années 90 où le premier morceau de chaque album est conservé, suivi d'un ou deux autres. Vu qu'ils sont tous beaux, ce n'est que chipoter. La sélection joue aussi avec la casquette greatest hits et morceaux porteurs ("In a Lifetime", "Theme From Harry's Game", "A Mhuirnín Ó", "I Will Find You" de la B.O de The Last of Mohicans) et celle qui permet de redécouvrir plein de choses.

Le public novice a donc de quoi explorer la période "folk" (années 70), la deuxième plus "pop" (années 80), la courte parenthèse new-age des deux albums de 1989-90 et la dernière décennie qui mélange tous ces aspects. Il peut voir que CLANNAD, à ses débuts, possédait une belle énergie folk saupoudrée de jazz, employée ensuite avec subtilité grâce à la fibre créatrice de Ciarán et Pól Brennan, même au milieu de l'affluence de synthés. Que Moya Brennan est aussi marquante quand elle chante des mélodies suaves comme "The Last Rose of Summer", que quand c'est de la pop ultra-efficace comme "Closer to Your Heart", car CLANNAD a fait cela aussi (rarement) !

Pour compléter le tout, après le dernier album de 2013 et en plus d'inclure le single "Hourglass" dont nous avons déjà parlé, nous avons droit à deux inédits. "A Celtic Dream" et "Who Knows (Where the Time Goes)" ont été enregistrés récemment par un groupe devenu quatuor selon les lois de la vie et, s'il vous plait, produits par Monsieur Trevor Horn ! En dehors de Hugh Padgham pour Lore en 1995, CLANNAD a rarement eu affaire à quelqu'un d'aussi haut placé dans le monde de la pop.

Tandis que "Who Knows (Where the Time Goes)" reprend la perpétuelle question du temps, de la place de chaque être humain à travers son époque par rapport à ce qui l'a précédé, "A Celtic Dream" puise davantage dans les légendes irlandaises. Pour faire les choses en grand, deux clips sont proposés sur YouTube, par le réalisateur John Paveley dans des teintes noires et blanches magnifiques. Toute l'imagerie d'il y a trente ans refait surface, même d'un point de vue sonore. Les deux chansons sont splendides, l'une avec un duo Moya/Ciarán Brennan du plus bel effet et des éléments folk, pop et jazz, tandis que la seconde baigne dans un climat éthéré.

On note l'avancée de l'âge certes, mais sinon, presque rien n'a changé. La voix de Moya et celles des hommes, la harpe, la contrebasse et les guitares, les ambiances modernes, bien au-delà de la simple new-age ; la capacité d'enchantement. De quoi s'inscrire dans la continuité avec force, et si ce sont là les ultimes offrandes de CLANNAD, il convient de ne point passer à côté !