En voilà un que l'on n'attendait plus !... Lorsque Nádúr paraît en 2013, le dernier album de CLANNAD remonte à... 1998 ! Si l'on écarte le live de 2005 (extrait d'une tournée réalisée dix ans plus tôt) et la paire de compilations éditées depuis, les fans auront su attendre !

De plus, avec ce nouveau disque, on a l'impression que le temps s'est comme figé... D'un point de vue musical certes, car l'écart entre Landmarks et Nádúr ne semble être que de deux ou trois ans maximum, et non pas quinze. Le son nous renvoie aux riches heures de Banba et même Magical Ring, par la mise en valeur d'un son acoustique et brumeux, reflétant des ambiances mystiques et crépusculaires : écoutez le dernier titre, "Citi Na gCumann". Malgré un âge avancé, CLANNAD aurait-il trouvé la formule idéale pour défier le temps ?

Il faut dire que qualitativement, cela se ressent et s'accorde naturellement (un adverbe tout choisi pour cet album dont le titre est "Nature") avec les choix de confection. L'opus marque le grand retour de Pol Brennan, frère de Ciaran et de Moya, parti en 1989. CLANNAD consolide ici et mieux que jamais son esprit de famille, présent surtout vocalement dans les dernières productions. À l'exception de Ged Lynch, ancien batteur de Peter GABRIEL, on ne rencontre pratiquement aucun musicien additionnel permanent.

C'est la famille entière qui se retrouve également d'un point de vue composition, avec l'empreinte de Pol presque aussi présente que celle de son frère Ciaran, comme sur les disques des années 70 et 80. Les oncles Duggan fournissent chacun un titre, et Moya, dont la voix n'a pas changé plus que le reste, détient ici un record avec trois titres d'affilée. Conformément d'ailleurs à une telle formule et en ce qui concerne la réalisation, la harpe est aussi présente que la voix, les polyphonies le sont autant que les guitares, sur quelques lits de synthés, de percussions en renfort...

En bref, tout ce que l'on a aimé chez CLANNAD dans des albums comme Magical Ring et Landmarks (ceux des années 70 sont plus rustiques) est présent, même si du coup, le versant pop est mis en retrait. On retient quelques escapades west-coast "à l'irlandaise" comme "Rhapsody Na gCrann", parcouru d'une brise légère sur laquelle flottent les voix enchanteresses et le tin whistle, soutenus par la batterie toute en finesse de Ged Lynch et la mandole de Padraig Duggan. Celui-ci ressort même l'harmonica pour l'excellent "The Fishing Blues" au tempo country, une mélodie aérée dont les mots tristes sont dédiés à une Mère Nature de plus en plus bouleversée en ce début de nouveau millénaire.

Les accents tribaux et épiques de "Brave Enough" (duo avec le chanteur nord-irlandais DUKE SPECIAL) évoquent les bandes originales de films historiques anglo-saxons des années 90. Ils sont ici conjugués à la jig vocale épurée de "Tobar an tSaoil", très proche de "Teidhir Abhaile Riu" (un classique de CLANNAD), et à l'air "Turas Domhsa Chon Na Galldachd", fermé par la cornemuse du piper Alan Bailey et dont le mysticisme fait écho au célèbre "Theme From Harry's Game".

Si, même en tant que fan, on ne pouvait plus espérer être réellement surpris par une famille de copains du Grand Nord dont l'oeuvre est déjà remplie de perles, on l'est quand même vis-à-vis de la qualité inattendue de l'opus. Nádúr prouve en effet que tout n'a pas été dit, que le son du Donegal résonne toujours fortement et pour le meilleur. Merci CLANNAD !