Aaah Crann Ull... Un magnifique petit album passé inaperçu, ou plutôt rapidement oublié, à tort. CLANNAD aborde les années 80 avec toujours un esprit folk traditionnel, en cherchant cette fois à innover un peu plus. L'arrivée d'Eithne, la petite soeur (et future Enya) est décisive, les claviers font dorénavant partie intégrante du son du groupe. La production est claire, limpide, nettement meilleure que sur les albums précédents en tout cas.

Les chansons de cet album plutôt court sont toutes magnifiques. Il y manque peut-être la diversité qui faisait le charme des albums précédents, notamment un morceau dans le style "Dulaman", mais tant pis, tant pis... C'est en ça aussi que Crann Ull (qui signifie "le pommier") me parait plus abouti. C'est surtout l'album le plus tranquille, le plus posé de la discographie du groupe, et on ne serait rejeter cette douceur bucolique qui tout comme sur le futur Fuaim offre une dernière esquisse du CLANNAD traditionnel avant qu'il ne s'habille d'une étiquette new-age.

Il faut aussi dire que, depuis le live, le groupe a ajouté aux guitares et instruments acoustiques habituels un harmonium qui lui confère un son particulier, propre à Crann Ull puisqu'il ne sera pas réemployé par la suite : voir sur "The Last Rose of Summer", "La Coimhthioch fan dTuath", "Bunan Bui". Ce qui ne fait que renforcer la magie des chansons, j'ai parfois l'impression d'entendre des ritournelles acoustiques d'Anthony Phillips avec une orientation plus celtique. On plane littéralement sur "The Last Rose of Summer" et ses accords simples de guitare (en 1-4-5-1, basique mais toujours efficace), certainement pour moi la plus belle chanson de l'album. Elle évoque bien la nostalgie de la fin de l'été, de l'arrivée de l'automne...

"Ar a Ghabhail 'n a 'Chuain Damh" ouvre Crann Ull de manière dansante et on ne peut plus agréable. Les percussions de Pol Brennan vont bon train pour l'une des rares fois dans cet album. Le morceau "Crann Ull" est également magnifique, avec un petit côté "chant de Noel". Padraig Duggan y utilise pour la première fois l'harmonica, et l'alternance entre cet instrument et la flûte est tout bonnement splendide. "Gathering Mushrooms" voit pour la première fois la participation vocale d'Eithne, la petite soeur de Maire en lead vocals avec cette dernière, mais sa prestation reste discrète (leur voix se ressemblent pas mal, c'est avec l'album suivant qu'on arrivera mieux à les distinguer). "A Strange Day in the Countryside" est un morceau un peu plus "strange" que le reste, doté d'une ambiance plus jazzy et un final relié par un fade-in, mais il est tout aussi agréable que le reste. "Bunan Bui" me fait un peu le même effet que "The Last Rose of Summer" (en plus long), sauf que là, ce sont les deux harmos (-nium et -nica) qui font merveille.

Bref, un très très bon petit album, une perle de musique folk acoustique tranquille et reposante, à mes yeux bien plus touchant que l'ensemble des albums précédents. Si l'on devait choisir, je le conseillerais tout autant, sinon plus que Dulaman. Il y a aussi cette volonté d'innover que l'on se doit de saluer, et qui prépare le terrain pour les futures expériences.