1972 est la grande année du lancement pour CLANNAD. Cela faisait un moment que ce groupe familial (dont le nom vient de "An Clann as Dobhair", soit la famille du townland de Dobhair) natif du comté du Donegal, tout près de l'Irlande du Nord, sévissait dans le pub de Leo Brennan, alias le "père". Ses enfants Maire (prononcer Moya, elle a d'ailleurs de nos jours modifié son nom ainsi), Ciaran (prononcer Keeron) et Pol, avec leurs oncles Noel et Padraig (prononcer Poric) Duggan enregistrent leur premier album suite à la victoire d'un concours qui le leur a permis. Le succès sera tel qu'ils ne s'arrêteront plus sur une période de vingt-cinq ans...

CLANNAD pratique donc le folk irlandais des familles, avec cela d'originalité qu'il développe parfois quelques influences jazz, comme sur le titre d'ouverture du disque, le festif "Nil Sé Ina La" (ou "Nil Sé'n La") qui deviendra un de leur "tubes", passage régulier à tous les concerts. Et ce sera d'ailleurs le seul de ce premier album à garder cet honneur. La contrebasse de Ciaran Brennan y est à l'honneur, et l'on se plait à écouter ce refrain lancé avec ferveur, les voix des garçons soutenant bien celle de Maire.

Un parfum marin nous envahit sur "Thios Chois Na Tradomh" (oui le groupe est bien décidé à faire valoir cette belle langue qu'est le gaélique), tout en finesse acoustique avec la mandoline de Padraig Duggan, puis la "Brian Boru's March" nous fait planer à sa manière, harpe celtique et contrebasse à l'archet à l'appui. Le reste alterne ballades et morceaux plus entraînants, on remarque la présence de "Siobhan Ni Dhuibhir" ("Suzy McGuire") que Alan Stivell reprendra un an plus tard en la rendant beaucoup plus ambiancée (et magique). La batterie est présente sur ce titre, de même que sur l'enjouée "Liza". Celle-ci est une chanson rock mais dont le riff est réalisé par des guitares acoustiques. Amusante, bien construite, le problème c'est qu'elle laisse un peu perplexe aux côtés du reste et on ne la retiendra guère, ce qui est un peu dommage pour la seule composition originale de l'ensemble.

Dans les autres morceaux "enlevés", on peut placer la superbe "Mrs McDermott" et la slip jig "Harvest Home". La première est chargée de sens et la seconde rafraîchssante, idéalement placée en fin d'album. Mais les plus belles chansons du disque restent les ballades les plus douces, c'est-à-dire "The Pretty Maid" (duo magique entre Maire et un de ses frères qui doit être Ciaran), "An Mhaighdean Mara", "An Phairc", "Morning Dew" (hmm ce piano), "Thios Chois Na Tradomh", ainsi que celles portées par la batterie comme le superbe "An Toilean Ùr", où les voix masculines se succèdent joliment (avec de la flûte et de très beaux choeurs en fond), ou le morceau bonus (enregistré en 1975) "An Bealach Seo 'Ta Romham" sur lequel on peut déjà entendre un peu de piano électrique. Le gros inconvénient, c'est que les crédits n'apparaissent pas, super...

Autant dire que l'intérêt du disque repose en grande majorité sur les morceaux les plus folk et autres ballades. Clannad comporte tous les ingrédients qui ont fait le succès du groupe dès les premières heures et cela continuera pendant près de dix ans sans grand changement. Guitares sèches, flûtes, percussions, et voix en avant, le tout pour un ensemble folk traditionnel légèrement teinté de rock et de jazz. La recette fonctionne déjà très bien, puisqu'il n'y a qu'un seul élément sur douze (sans compter le morceau bonus bien qu'il s'intègre très bien) qui fait office de creux à côté du reste, et c'est la seule la composition originale ("Liza"). Pas grand-chose à regretter donc, et de belles promesses d'avenir.

Note réelle : 3,5/5