Avec Comfort in Sound, FEEDER tentait une thérapie de groupe musicale pour mieux supporter le départ brutal de Jon LEE. Une fois son remplaçant trouvé, Mark RICHARDSON, le groupe passe les trois années suivantes à se faire relativement discret, donnant principalement des concerts pour habituer les fans au nouveau batteur. Mais ni Grant NICHOLAS ni Taka HIROSE ne se voilaient la face : leur deuil n'était pas encore fini, et leur prochain album serait une continuation de Comfort in Sound à la fois d'un point de vue stylistique et personnel.

Pushing the Senses est surtout l'album où FEEDER confirme que l'époque où il mélangeait SMASHING PUMPKINS aux mélodies britpop est bien finie. C'est décevant quand on appréciait ce style mais compréhensible puisqu'il n'aurait pas tenu dans le nouveau millénaire s'il n'avait pas changé ses cartes. D'ailleurs, le single éponyme, le seul à faire gronder les guitares comme autrefois, est aussi le seul à être resté tristement en bas des ventes, alors que les autres se sont classés dans le top 10, l'album ayant fait le meilleur score de tous ceux du groupe à sa sortie, allant jusqu'à atteindre la 2ème place des charts anglais. Nos Gallois ont ainsi de quoi ne pas regretter d'avoir changé leur fusil d'épaule en se tournant vers un pop-rock où le piano prédomine.
Contrairement à ce que certains critiques ont pu dire lors de sa sortie, FEEDER n'est pas devenu un émule de COLDPLAY, en revanche ils se sont indéniablement rapprochés de Miles KANE et KEANE, les chouchous du rock alternatif en cette belle année 2005. Deux membres des Ecossais de TRAVIS tiennent d'ailleurs les choeurs sur "Tumble and Fall", à cause d'un hasard de séances d'enregistrement concordantes. Ce rapprochement a dû favoriser les ventes mais le véritable tremplin a été, encore une fois, la série de jeux vidéos Gran Turismo. GT 4 ayant explosé tous les chiffres de vente et demeurant encore aujourd'hui l'un des plus vendus de la PS2, on imagine bien que l'inclusion de « Shatter » dans sa bande-son à été une nouvelle bénédiction pour le groupe, rapprochant de ce fait Pushing the Senses d'Echo Park qui avait aussi grandement bénéficié du succès de Gran Turismo 3. Malgré les nombreuses protestations du groupe et des fans, le label Echo refuse catégoriquement de l'inclure dans l'album sous prétexte que « le morceau ne colle pas à l'atmosphère de l'ensemble », ce qui en langage d'affaires se traduit par : « Ce morceau a du succès parce qu'il fait parti de la bande-son d'un jeu à succès, du coup nous allons le mettre exclusivement sur la prochaine compilation que nous préparons afin d'être sûrs de disposer d'un bon argument de vente, mais on va quand même la mettre sur la version japonaise de l'album, parce que ! »

Un Comfort in Sound 2,0 donc, qui souffre d'être bien rempli mais aussi trop uniforme. Paradoxalement, ce sont les morceaux mid-tempos qui lassent le plus alors que les rockeurs « Tumble and Fall » et « Pilgrim Soul » sont les plus marquants, l'exact inverse de leurs débuts. Au vu des résultats obtenus, on ne peut pas leur reprocher de se rapprocher des groupes du moment, et d'ailleurs la direction choisie n'est pas nécessairement mauvaise, mais c'est dans l'exécution qu'ils n'aboutissent pas au potentiel qu'on est en droit d'attendre d'eux. Alors, ne jetons pas tout de suite nos Gallois avec l'eau du bain et soyons encore patients pour leur laisser le temps de retomber correctement sur leurs pattes.