Il m’arrive de plaindre les gens qui ne connaissent pas les SWANS. En tant que chroniqueur et après m’être replongé, avec très grand bonheur, dans l’étonnant parcours de ce projet qui est avant tout le projet de Michael Gira, je ne peux qu’affirmer en presque complète objectivité qu’aucun album de ce groupe quarantenaire ne peut raisonnablement être noté en dessous de 4 sur 5 (ou alors 3,5 sur 5, pour chipoter). Et cet opus ne fait évidemment pas exception.

The Burning World est un album qui a dû surprendre beaucoup de monde à l’époque, sans même parler des fans les plus hardcore de la toute première heure. Car si Children Of God rompait avec le tétanisant monolithisme des débuts, il en gardait toutefois la lourdeur et la hargne. Ici, nous sommes clairement en compagnie d’un disque pop aux forts relents hippie/new-age. Et ma foi, le moins qu’on puisse dire est que l’exercice de style est plutôt bien réussi, peut-être parce qu’il s’est effectué le plus naturellement du monde. L’opus précédent annonçait la couleur ou plus exactement, ouvrait la voie sur la possibilité d’un monde explicitement plus mélodique et relativement plus apaisé (du moins en apparence et pour un certain temps seulement).

Dés les premières notes de "The River That Runs With Love Won’t Run Dry" on sent d’instinct que la barque va être harmonieusement menée entre un couple aussi fusionnel que conflictuel. "Saved", par exemple, est une sorte d’enchantement big rock ricain assumé par un Gira plein d’entrain viril et gracieusement soutenu par son chœur de femmes qui toutes sont Jarboe. Les moments purement Jarboe sont d’ailleurs clairement ceux qui me filent le plus de frissons. La forestière et mystique "I Remember Who You Are""" surtout, avec son sublime et sobre ensemble de chordes qui vous convie à quelque fête païenne au coin d’un grand feu par nuit étoilée.

Le final, "God Damn The Sun", est probablement, je pèse solennellement mes mots, l’une des plus belle et déchirante création des SWANS. A mille lieux de tout sentimentalisme, nous sommes ici dans la pure émotion d’une de ces rares ballades qui vous va droit au cœur, sans aucun détour et autres chinoiseries et avec des mots, pensés et pesés, comme ceux-ci :
"So now she’s gone
And you’re both in my mind
I’ve got one thing to say
Before i am drunk again .
Gog damn the sun"

Dans un monde idéal, ce disque serait le compagnon idéal d’une jurassienne torée en compagnie de divinités celtiques aux interminables chevelures tressées. Dans le monde actuel (si le monde actuel mérite encore d’être appelé monde), il est un fidèle compagnon en jouissance spirituelle ainsi qu’un moment unique dans l’histoire chargée des SWANS, spécialement pour les deux monstres qui suivront en 1991 et 1992, qui, tout en renouant avec la puissance des débuts, conserveront une belle empreinte de ce parfois mal aimé Burning World.