Avec ses coupes de cheveux et ses colorations changeant à chaque disque, Carnie WILSON, fille aînée de Brian WILSON (The BEACH BOYS) a tout d'un caméléon fait femme. Ses rondeurs, critère pourtant mal accepté dans la pop en général, ont fait la force du trio WILSON PHILLIPS, presque autant que sa voix de velours, une des plus belles de la côte californienne, comme celles de sa soeur Wendy et son amie Chynna d'ailleurs. Profitant d'un nouveau hiatus pour le trio, elle publie deux albums solo à la suite durant la deuxième moitié des années 2000 sur le label indépendant Big3, basé en Floride et qui, outre CHEAP TRICK et Rick DERRINGER, s'est spécialisé en pop féminine plutôt collective : DESTINY'S CHILD, MPRESS, AJA, HEATHERS... Une forte activité entre 2000 et les mi-2010's donc, mais cela n'empêche pas les albums de Carnie d'être devenus très rares sur le marché.

Si la chanteuse tient à faire plaisir à ses fans voire conquérir un plus large public (tout en gardant parallèlement une bonne place à la télévision, voire télé-réalité), sa préoccupation mêlée de joie première reste celle d'être devenu maman. Mariée depuis cinq ans au musicien-producteur Rob Bonfiglio (qui avait joué quelques parties de guitares sur California de WILSON PHILLIPS, sorti en 2004), la naissance de sa petite Lola en 2005 marque son existence au point d'inspirer toute une réalisation d'album. L'année suivante, A Mother's Gift parle de lui-même, dans son titre, sa pochette toute à l'image de Carnie d'ailleurs, effet girly qui pourrait paraître kitsch si ce n'était pas elle (qui plus est dans l'intimité maternelle et un axe de profil parmi les plus charmants), avec la distinction artistique qui lui est naturelle.

Pareil, côté musique. L'album est constitué de berceuses, reprises ou non, enregistré aux Heavyweights Studios à Burbank ; la couleur DISNEY n'a donc rien de très étonnant ! Il y a un effet de production bon marché avec une prédominance des claviers et instruments programmés par les producteurs Jack Kugell et Jason Pennock, sans rythmique ni autres apports d'ailleurs, à part les guitares qui sont bien réelles. Rob Bonfiglio y participe, mais on rencontre aussi le 'requin' Michael Thompson.

Et puis, il reste les voix avec, outre Carnie, celle de papa Brian mais aussi, en aparté de lui bien sûr, maman Marilyn sur "Forever" (album Sunflower des BEACH BOYS, 1970), hommage à tonton Dennis WILSON, l'intéressée considérant que c'est la plus belle chanson qu'il ait écrite. Splendide en effet - on y entend les 'nanana' délicieux de 'little sister' Wendy qui se devait d'être présente -, tout comme l'autre clin d'oeil à Dennis, "You Are So Beautiful", que lui-même avait empruntée à Billy PRESTON et qui constituait un rappel des concerts récurrents pour les BEACH BOYS. Avec Brian en duo, ils en livrent une belle version tendre, étoilée. Encore dans la famille, avec "Heaven", c'est cette fois feu tonton Carl dont le souvenir est évoqué avec ce titre (avec son fils Justyn dans les choeurs), issu de son premier album solo en 1981, favori de Carnie là encore. Une mélodie folk splendide et encore un beau bijou pour l'ensemble.

Pour peu que l'on passe outre l'aspect programmé sur le papier, l'ensemble d'A Mother's Gift sonne plutôt frais, qui plus est avec un esprit 'live' en studio, très familial. On entend, par-ci par-là le rire de bébé Lola, une phrase lancée par Carnie ou Brian, sans oublier la chorale d'enfants menée avec brio (quelle justesse !) par eux-mêmes sur le traditionnel "Twinkle Twinkle Little Star", notre célèbre "Ah ! Vous Dirai-Je Maman". Outre les enfants des amis compositeurs et producteurs, on y croise deux des demi-soeurs de Carnie adoptées par Brian : Daria (10 ans) et Delanie (8 ans).

Cet ensemble très rose et doux mais si agréable à l'oreille est augmenté par la présence d'une poignée de standards, à commencer par "Over the Rainbow" tendance Hollywood voire DISNEY classique. Parmi ce qu'il y a de plus beau donc, avec une intro jazzy 'maison' à la hauteur, une harpe-synthé venue souligner le chant de Carnie qui a le bon goût, par affinité, de s'en remettre parmi toutes les versions déjà existantes, à celle de Judy GARLAND. Autre berceuse parfaite (la chanteuse parle en connaissance de cause !), "Love Me Tender", une des plus belles du King Elvis avec un 'orchestre' plutôt fin et bel arpège de six-cordes acoustique. L'électrique de Bonfiglio prend le relais pour la magnifique rendition avec voix seule de "What a Wonderful World", si l'on excepte les sons de nuit et de grillons, idéalement placés en fin d'album.

Restent donc quelques compositions qui ne dépareillent pas dans la qualité de l'ensemble. Jamie Jones et les producteurs co-signent à trois mains d'hommes la pourtant très féminine "A Mother's Prayer", jolie chanson dont on apprécie surtout le début piano-voix qui aurait peut-être mérité de continuer ainsi, à l'instar du slow-tube de Louis ARMSTRONG susmentionné. En partie écrite par Joey DANIELS, amie de Carnie et qui n'a sorti qu'un unique album folk-country sous son nom une année plus tôt, "Lola Sofia", entièrement dédiée au nourrisson, est une petite brise musicale des plus plaisantes. La chanteuse et son mari entonnent ensuite leur propre "When You Dream" crépusculaire, souligné d'accordéon, de clavecin pour le moins adaptés. Mais le plus beau, sans trop de surprises, reste "With the Sun", écrite par Wendy WILSON (et son mari Dan Knutson) pour un aspect 'beach girls' retrouvé. Ballade avenante et lumineuse, avec de très belles harmonies entre soeurs que l'on, en dépit d'une vraie qualité pour Carnie solo, espère vite retrouver plus amplement ! Deux regrets d'ailleurs : que cela n'ait pas donné envie à Wendy de faire son/ses album(s) 'seule' et que Chynna PHILLIPS n'apparaisse nulle part.

Note réelle : 3,5