En 1979, Didier Marouani quitta SPACE suite à un conflit avec le producteur Jean-Philippe Iliesco, laissant Roland ROMANELLI et Jannick TOP seuls aux commandes. Le quatrième album Deeper Zone se fit donc sans le fondateur du groupe et il n'est guère étonnant de l'entendre résolument à part.

Deeper Zone est souvent décrit comme l'album le plus progressif de SPACE. Cela ne tient en vérité qu'à un seul morceau, l'introduction liminaire, où on trouve effectivement une grandiloquence et un développement mélodique mené par les synthétiseurs et des guitares joliment mordants, autre nouveauté remarquable de ce disque. À dire vrai, ce "Deeper Zone" est franchement réussi, en particulier la partie centrale rapide tout à fait savoureuse, mais aussi le thème principal, ample et lent, tout en sollenité sans en faire des caisses. Le groupe continue sur cette lancée mélodique avec le groove asymétrique et sophistiqué de "Inner Voices" et le simili-baroque et planant "Space Media", également réussis, bénéficiant d'une bonne élaboration mélodique, mais qui ne peuvent être sérieusement qualifiés de prog, surtout du point de vue de la structure.

La seconde face est fort différente, on y trouve "On The Air", interprétation d'un thème de Johann Sebastian BACH, encadré par deux chansons qui se rattachent très franchement au mouvement Disco. "Mixed Up" est très chouette avec ce leitmotiv entêtant et le chant habité de Cissy Stone. "Love Starring You And Me" surprend de par un son beaucoup plus rugueux et dépouillé, où la batterie et le piano ressortent de manière très sèche, mais la composition laisse à désirer. Citons également "Tender Force" et "Robbots", publiés sur un 45-tours éponyme la même année et inclus sur le Best Of de 1981 ainsi que certaines rééditions CD de Deeper Zone. Deux thèmes à la fois sentimentaux et prégnants qui auraient mérité une meilleure mise en valeur.

Deeper Zone est de facto soulagé d'un défaut récurrent de SPACE, lié au style même de Didier Marouani. Son enseignement classique irrigue sa musicalité et forge directement sa manière de composer. Le mélange de cette influence avec le format variété est à double tranchant; Didier MAROUANI peut écrire des compositions d'une efficacité confondante comme il peut sombrer dans la déroulade. Assez souvent, ces deux tranchants se rejoignent dans les mêmes morceaux – cf. Just Blue (1978). Roland ROMANELLI est également issu du milieu de la chanson française – rappelons qu'il fut pianiste pour BARBARA et Jean-Jacques GOLDMAN – mais demeure ici plus sobre dans son langage mélodique et cela fait la réussite de "Space Media", "Tender Force" et "Robbots" – ce sera une autre paire de manche avec certains de ses albums ultérieurs.

Pourtant, ça n'empêche pas la calamité qu'est "On The Air"… Revisiter un air de BACH à la sauce Disco n'est déjà pas une très bonne idée en soi, mais même en tant que réinterprétation, "On The Air" est raté, la faute à un lead – une nouvelle fois issu de la banque sonore du Prophet 5 – particulièrement moche et grossier. Dommage car le couplet, non repris de BACH, est sympathique.

Par ailleurs, deux des morceaux se voient rabotés à leur version single sur les rééditions CD, ce qui est tout bonnement incompréhensible. Si ce n'est pas bien grave pour "On The Air", c'est assez scandaleux s'agissant du très bon "Inner Voices". On ne le dira jamais assez : une réédition incomplète est soit un remaniement assumé comme tel, soit une trahison.

Après l'enregistrement de cet album, le batteur Joe Hammer emboîta le pas à Didier Marouani, entraînant le split de SPACE. Didier Marouani, ayant perdu les droits sur le nom du groupe, monta une nouvelle formation quelques années plus tard avec Joe Hammer et le guitariste Patrice Tison.

3 ½ sur 5