Je devrais détester cet album. Je devrais le haïr comme j’ai haï de toutes mes tripes Années Laser, Space Opera et Space Magic Concerts. Ce premier album de remixes est un condensé de toute la ringardise de l’Eurodance des années 1990. Pourtant, quelque chose dans ce disque vient sournoisement caresser mes réflexes pavloviens et finit invariablement par me faire me dandiner sur la chaise (ou dans la rue, bonjour les regards obliques des passants honnêtes).

Ce disque a un statut assez particulier. L’édition originale européenne – d’ailleurs la seule édition officielle à ce jour – est intitulée Best Of et, dans la plupart des discographies en ligne de SPACE, il est tout bêtement classé comme tel. Pourtant, c’est tout sauf une compilation, la tracklist se partage entre inédits et réinterprétation technoïde d’anciens morceaux. Il ne s’agit même pas de remix à proprement parler : tout est réenregistré et certaines anciennes compositions sont même remaniées, avant même les premières rééditions CD des albums de SPACE.

D’abord, qu’y a-t-il écrit en tout petit sous le nom du (faux vrai-faux) groupe? "featuring Roland Romanelli". Eh oui! Enfin la période ROMANELLI - TOP de SPACE est réhabilitée, celle de Deeper Zone (1980), avec deux morceaux, la chanson "Love Starring You And Me" et, hélas, "On The Air" (reintitulé "In The Air"), cet affreux pillage électro-ringard de BACH qui plombait l’album. Mais il y a mieux encore : "Connecting Flight", "Passion" et "Chain Reaction", trois compositions tirées de Connecting Flight (1982), l’album solo de Roland ROMANELLI injustement oublié alors que le personnel y est quasiment le même que sur Deeper Zone.

Il y a plusieurs nouvelles compositions : "Space In A Trance" (qui donne son titre à l’édition pirate russe de l’album), "Dancing In The Twilight Zone", "The Universe Overside", "Moonquake" et "My Love Is Music", soit cinq morceaux sur quatorze, pas mal pour un prétendu Best Of. Enfin et surtout, pour une fois que l'on nous épargne l’avalanche de classiques resucés jusqu’au noyau, comme sur les deux live et une poignée de compilations jusqu’ici! Ici, "Magic Fly", "Just Blue" et "Carry On, Turn Me On", envoyez, c’est plié.

Musicalement? C’est certes opportuniste et facile comme peut l’être un album d’Eurodance, mais c’est ma foi plutôt efficace, d’autant que la plupart des vieux morceaux repris sont réellement revisités : mentionnons le chant mixte inédit de "In The Air" (malgré le thème classique en MIDI complètement tarte), "Connecting Flight", "Chain Reaction" avec un break d’émulation de guitare électrique, ou encore "Carry On, Turn Me On" augmenté d’une ligne d’accords inédite. Cependant, "Just Blue" version 1995 est encore plus pénible que l’originale, et ce "Club Mix" de "Magic Fly" en clôture est inutile.

La production est typique de l’Eurodance, c’est-à-dire profondément débile et ringarde, à base de leads pouêt-pouêt et de rythmiques galvaudées, sans même parler des mélodies (je t’en supplie Saska, fuis, fuis loin), mais cependant pas encore pestiférée par les écœurantes saillies qui caractériseront l’Electronica des années 2000, et donc encore écoutable, toutes proportions gardées.

Trouver ainsi autant de compositions de Roland ROMANELLI de manière n’a au fond rien d’étonnant. Selon les crédits de l’album, Roland ROMANELLI, accompagné des producteurs Thierry Blanchard et Jean-Philippe Hann, aurait opéré ces revisites techno sans Didier MAROUANI, ce qu’étayent les notes du livret présentant Roland ROMANELLI comme le leader de SPACE, omettant donc carrément son ancien comparse. Cela confirme deux choses : ce dernier n’avait alors pas encore récupéré les droits du groupe (le live Space Magic Concerts est bien sorti initialement sous le nom Didier MAROUANI), et Roland ROMANELLI avait manifestement encore de la rancœur vis-à-vis de Didier MAROUANI pour le blackbouler ainsi de l’histoire du groupe, quitte à sombrer dans le révisionnisme – ce statut de Best Of n’est pas du tout innocent.

Je ne déteste pas ce Best Of. C’est complètement con, mais c’est ludique et léger, tout le contraire des quatre autres albums tardifs de SPACE / Didier MAROUANI se prenant terriblement au sérieux. Cette fausse compilation est même meilleure que tous les albums de la seconde moitié de carrière de Didier MAROUANI, ce qui quelque part est un peu triste. C’est une friandise appréciable, à condition d’avoir un cure-dents sous la main.