Mauvais timing, soit. Nul besoin de revenir sur la sortie en salles d'Une Sirène à Paris, avec les cinémas qui ont dû fermer la même semaine ; le film était plaisant, sans toutefois égaler le livre de Malzieu. Le problème, c'est que Surprisier est sorti au même moment, à peine quelques jours plus tôt. En somme, tout s'est fait de justesse, mais ce qui aurait pu être une parenthèse dorée pour DIONYSOS s'est vite refermée.

Que reste-t-il, après plus de trois ans ? Un bien joli concept certes, mais avec des divergences à la fois de style et de qualité d'un support à l'autre. On peut louer les Valentinois de ne pas s'être tenus au livre cette fois, d'avoir voulu développer autrement, même avec cet E.P paru fin 2019 et difficilement mémorable. L'album Surprisier, concentré autour de la situation de Gaspard, le protagoniste, sorte de 'vendeur de rêves' très colorés à la Mathias Malzieu, contient aussi des morceaux de Lula, sirène égarée dans la Seine la plus urbanisée.

Toutefois, l'album est très curieusement agencé, gardant des airs de concept mais sans se référer directement au livre en dehors de quelques moments bien connus (le chat, le Flowerburger qui est le restaurant du père de Gaspard) et bien sûr la chanson "Une Sirène à Paris", single apprécié bien en amont, et qui semble pratiquement la seule à mêler nos deux personnages principaux. Une oeuvre originale presque à part entière et qui s'apprécie en tant que telle.

Les thèmes de Lula, lents, froids et suivant l'un des refrains de ladite chanson, demeurent (trop) courts et font office de transition. On ne réentend une nouvelle variation qu'en intro de "Flower Burger" justement, titre qui lorgne vers une sorte de jazz-rock rétro agrémenté de cuivres, dynamique et bien fichu dans la bonne tradition de DIONYSOS. Difficile également en la matière de résister à "All the Pretty Waves", rien que son intro de basse wha-wha massive et le chant de Babet plaintif au-dessus, plus loin cette rupture hivernale constellée de harpe.

"Paris Brille-t-il ?", où notre héros chante son désarroi des femmes en complainte, offre une pop-country sautillante, banjo à l'appui, en accords comme en arpèges, duo sensuel entre Mathias et Babet 'pin-up', trompettes mariachi. On retrouve ces dernières avec accordéon, charangos et des choeurs mexicains tout aussi caractéristiques sur l'élégante et plaisante ballade des "Filles Barbelées", mots acérés venus du coeur à l'encontre de celle(s) qui faisai(en)t mine d'être fermée(s) tout en ne s'étant privée(s) de rien 'après' ("ton souvenir colle au coeur comme un chewing-gum collé"), zestes de kitschitude musicale mais pour notre plus grand bonheur.

De même, on apprécie toujours cela en termes 50-60's, jeux de mots en prime sur la délicieuse "Panna Cotta Girl" à laquelle "Une Sirène à Paris" s'enchaîne fort bien. Si la pourtant lumineuse "Forever Forêt" ne fera pas date, juste avant elle, la métaphore du sapin de Noël, grand "abandonné de janvier" nous émeut tout en effets morriconiens, tapis de cuivres solennels et glockenspiel, voix et guitare western. Enfin, deux petites perles nous sont amenées : "Le Chêne", superbe pop nostalgique et aventureuse, ponctuée d'un solo de flûte final, ainsi que "Voler en Amour", doux duo fragile et d'orfèvre entre Babet et Mathias. Un Surprisier rempli de belles surprises, pour supporter la période noire qui va suivre, ou comme dans le cas présent, mieux le retrouver bien après.