Donkey Rhubarb partage avec Girl/Boy le statut compliqué d’EP de transition entre …I Care Because You Do (ICBYD pour les intimes) et le Richard D. James Album. Compliqué, parce qu’à seulement un an d’intervalle, la musique d’APHEX TWIN change du tout au tout, des orchestrations sombres et des rythmiques torturées d’ICBYD on passe au délire multicolore enfantin du Richard D. James Album. Logiquement, Donkey Rhubarb se trouve à cheval entre ces deux mondes musicaux, pour un résultat haut en couleur.

Comme pour beaucoup d’autres EP de Richard D. JAMES (Come To Daddy, On, Digeridoo, entre autres), Donkey Rhubarb doit tout à son titre éponyme. Celui-ci s’illustre par un rythme bondissant et une mélodie fruitée que l’on croirait sortie de la B.O. de Donkey Kong. Les quelques sons acides qui parcourent le morceau achèvent de l’éloigner des longues pièces tourmentées de l’album précédent. En effet Donkey Rhubarb est léger, coloré, bondissant voire enfantin. Toutefois, comme sur le Richard D. JAMES album, l’apparence innocente du morceau cache une ambiance inquiétante, que l’on pourrait qualifier de « malsaine » à défaut de mot plus approprié. Ce climat est instauré par la répétition du thème, ou encore par le côté frénétique des boucles synthétiques. Le clip, où des oursons géants et multicolores à l’effigie de Richard D. JAMES dansent et imitent l’accouplement, le tout filmé de manière hypnotique, rend parfaitement le sentiment d’inconfort qui saisit l’auditeur après plusieurs écoutes du premier titre de cet EP.

Le cœur de Donkey Rhubarb, constitué de « Vaz Defender » et d’une réorchestration de « Icct Hedral » par Philip GLASS, s’avère nettement moins marquant. « Vaz Defender » développe quelques sonorités intéressantes, mais le rythme trop anodin a tôt fait de dévoiler la répétitivité du morceau. « Icct Hedral », joué par un orchestre classique, ne se démarque pas plus que ça du morceau original présent sur …I Care Because You Do. Philip GLASS, « monsieur musique contemporaine », livre une réorchestration honnête, dont le rôle semble plus être de légitimer le statut de « nouveau MOZART » un peu agaçant que l’on attribue à Richard D. JAMES que de proposer une véritable relecture du morceau. Avec une composition d’APHEX TWIN moins adaptée au « classique », la réorchestration aurait sans doute eu beaucoup plus d’intérêt.

L’EP s’achève sur « Pancake Lizard », sans doute moins connu que Donkey Rhubarb, mais bien plus essentiel selon moi. Le côté orchestral de ce morceau évoque le « NLS Mix » présent sur l’EP Girl Boy, ou encore des compositions comme « Acrid Avid Jam Shred » ou « Alberto Basalm » sur …I Care Because You Do. Le lézard crêpe semble flotter en apesanteur dans le cockpit d’un vaisseau spatial de pacotille, scène discrètement filmée par une vieille caméra équipée d’un filtre sépia. Traduit du dialecte du fan acharné et grincheux, cette dernière phrase signifie : un clip de Pancake Lizard n’aurait pas été de trop.

Donkey Rhubarb part un peu dans tous les sens, transition oblige, et ne propose au final que deux titres forts. Indispensable pour les adeptes des compositions loufoques période Richard D. James Album, l’EP aux multiples sourires d’APHEX TWIN reste un encas un peu léger au vu de ce qui va suivre.