Le bonus japonais, cette bête féroce, est revenu tourmenter les fans de Richard D. James au début du printemps. A croire que ce vilain animal-là aussi a ses périodes de chaleur. Les érudits de la chose twinesque savent bien entendu que ce n’est pas la première fois que l’archipel nous envoie l’une de ses sorties inutilement inédite. En 1996, déjà, une compilation dispensable sobrement nommée 51/13 Singles Collection avait appris aux fans du DJ cornouaillais à ne pas lâcher 100 francs pour un album inconnu. C’est donc une communauté échaudée qui voit apparaître en 2015 le single « MARCHROMT30A edit 2b 96 », qui n’est rien d’autre que le titre bonus de l’édition japonaise de Syro sortir par Warp en vinyle dans nos contrées.

Pourquoi les Japonais sont-ils ainsi choyés par leurs maisons de disques, au point de se voir offrir un morceau exclusif d’APHEX TWIN sur Syro ? Alors que le fan d’outre-mer du Japon, le front noir de suie, le regard terne et les jambes flageolantes après une journée de 12 heures à la mine, doit encore aller raquer 10 euros sur Bleep pour acquérir la chose en vinyle, quitte à vendre l’un de ses enfants au comprachico le plus offrant. Eh bien, figurez-vous qu’au pays du Soleil-Levant, les maisons de disques insistent avec des clauses en petits caractères japonais dans les contrats pour que chaque artiste mette à leur disposition des bonus pour remplir les CD. En effet, là-bas, la production nationale se vend plus cher que les disques importés d’Europe ou des USA. Il faut bien quelques attrape-fans pour justifier la différence de prix entre les deux.

Une fois qu’on s’est fait rouler dans la farine en achetant ce prétendu « white label », que vaut la musique en elle-même ? « MARCHROMT30A edit 2b 96 », il faut bien le reconnaître, est plutôt un bon morceau, dans l’esprit de la série Analogue Bubblebath d’AFX. La mélodie est assurée par des nappes de synthés rêveuses, comme souvent chez Richard D. James. Elle sert de fil conducteur aux diverses expérimentations rythmiques et sonores qui s’enchaînent tranquillement 7 minutes durant. Rien de révolutionnaire, on retrouve l’atmosphère apaisée qui a fait de Syro un album facile à digérer.

L’arnaque se fait bien plus sentir en face B. « XMAS_EVET1 N » est une version légèrement modifiée de « XMAS_EVET10 [120] (thanaton3 mix) », également présente sur Syro. Cette composition a une histoire intéressante, puisqu’elle a été présentée pour la première fois au public lors du concert d’inauguration du Centre Pompidou-Metz en 2010. Il a donc fallu attendre 4 ans pour apercevoir ce mystérieux inédit sur un album studio. Son remix n’apporte pas grand-chose, malheureusement. Le troisième et dernier titre, « MARCHROMT38 fast » est un remix de la face A qui ne sert absolument à rien, tant il est similaire à l’original.

Un bon inédit, deux remix de remplissage et un passage en caisse douloureux : c’est en résumé tout ce que vous apportera ce single d’APHEX TWIN. Quand on connaît le nombre de titres géniaux qui attendent gratuitement sur le soundcloud de l’artiste, il y a de quoi être amer. Réservez vos économies pour d’autres sorties plus intéressantes, l’EP Computer Controlled Acoustic Instruments, par exemple...