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SANSEVERINO - C'était Mieux Maintenant (2024)
Par RAMON PEREZ le 25 Mai 2025          Consultée 306 fois

SANSEVERINO a passé les soixante ans, cependant on dirait qu’il va encore bosser un moment. Il faut dire qu’il a commencé sur le tard, alors la retraite n’est pas pour tout de suite. Mais on dirait surtout qu’il aime bien ça, bosser. Il revient en studio réglé comme un Suisse puis repart à chaque fois un tour de plus sur la route. Et il le fait, le job ! Avec l’âge, plus l’expérience qui va avec, il semble qu’il soit de plus en plus au clair avec ce qu’il est, ce qu’il veut ; il y va directement, sans fioritures. C’est quelqu’un qui est passé par de nombreuses étapes musicales, par le jazz manouche et le bluegrass notamment. Mais, depuis quelques années, plus précisément depuis Montreuil-Memphis et l’arrivée du batteur Stéphane Huchard à ses côtés, il parait définitivement chez lui dans ce blues-rock que Les deux doigts dans la prise ont teinté de funk et de soul.

Ce nouvel opus repart de là, de ce concept musical faisant s’entrechoquer la guitare du patron avec la batterie heurtée de son acolyte, ainsi qu’avec la basse du troisième larron. Celui-ci a changé depuis la dernière fois, mais c’est anecdotique. Le remplaçant, Daniel Romeo, est parfaitement à sa place. Il balance un groove du tonnerre qui fait sacrément vibrer l’ensemble. Cependant, par rapport à l’album d’avant qui se voulait un disque extrêmement ramassé, son successeur cherche davantage l’aération. C’est ainsi qu’on y entend régulièrement des instruments plus légers (guitare sèche, violon, saxo, percussions), des chœurs féminins mais surtout l’orgue de Christophe Cravero, autre vieux complice qui fait son retour ici en ramenant son toucher et sa palette, faisant du trio un quatuor. Ce qui est évident aux oreilles, c’est que tout ce beau monde se connait parfaitement. Ils se trouvent les yeux fermés, alors crois-moi quand je te dis que ça joue !

SANSEVERINO se laisse porter par ce magma musical pour poser sa voix. Là aussi, il ne se prend pas pour d’autres. Il sait qui il est maintenant, on ne la lui fait plus. S’il n’a plus envie de chanter, il ne chante plus. C’est tout. Les albums précédents avaient déjà largement tourné le dos à l’idée de mélodie, celui-ci l’abandonne complètement. En gros, on en est là : tenir le rythme pour déclamer ses textes. Un peu la même chose qu’ont cherché les rappeurs et avant eux certains chanteurs comme Léo FERRE : faire entendre une poésie de terrain. Or la poésie de SANSEVERINO vaut quand même le coup qu’on s’y attarde un peu. Elle ne cherche aucunement à se faire publier chez Gallimard, par contre elle enfile le bleu de chauffe pour aller au contact.

Ça commence par s’attaquer à soi-même et plus largement à l’art engagé. Car heureusement pour les artistes que les choses vont mal, sinon ils auraient "Zéro travail". Ben oui, qui se souviendrait de Zola s’il n’y avait pas eu les défavorisés ? SANSEVERINO a la drôle lucidité de se décrire comme un abominable fonctionnaire de la chanson contestataire, avec comme base de données la description très précise du gentil prolétaire… Cynisme ou ironie ? Causticité en tout cas, ce qui n’empêche pas de placer deux fois le mot social dans le texte, comme des repères d’une conscience qui s’exprime tout au long du disque et plus largement de son œuvre. Dans ce chapitre il me parait assumer encore davantage de marcher dans les pas de François BERANGER, à qui il a dédié déjà deux disques-hommage. Ce dernier savait aussi renoncer à la mélodie pour poser ses mots, emplis d’un regard froidement dur sur son époque et ses semblables.

SANSEVERINO le fait davantage avec le sourire, il n’en reste pas moins que son écriture peut se faire particulièrement brutale au fil des vers. Les sujets à passer à la broyeuse ne manquent pas, cependant la première cible d’importance est posée sur sa génération. Celle qui est partie dans le monde avec ses belles idées auxquelles elle a renoncé dans les grandes largeurs ; "rebelles devenus réacs" regrettant le monde d’avant contre lequel ils se battaient. Alors que, peut-être, "C’était mieux maintenant !". Dès lors, place aux jeunes pour faire face au présent autant qu’à l’avenir, puisqu’on en a été incapables. Il reste à leur donner l’énergie, l’inspiration. Je crois qu’au-delà de la nécessité qu’a chaque artiste de poser son regard sur ce qui l’entoure, c’est à cela qu’aspire au fond notre chanteur désormais.

L’idée n’est pas particulièrement de dénoncer mais plutôt de témoigner publiquement d’une histoire et d’un point de vue. A chacun ensuite de s’en saisir ou non, mais au moins on aura pu y réfléchir. Je ne sais pas si SANSEVERINO continuera à inventer, à changer musicalement comme il l’a fait par le passé. J’ai l’impression qu’il est arrivé avec ce disque à une sorte d’aboutissement artistique, sur la forme et le fond. Vingt-cinq ans pour se trouver ? Pourquoi pas finalement. On ne peut toutefois pas dire que cet album soit son plus facile d’accès, car il manque à mon sens un peu de relief, d’un titre ou deux sortant véritablement du lot (bien que la chanson-titre et, dans un autre genre "Pas la guerre" n’en soient pas loin). Mais il suffit d’entendre le chanteur en parler comme d’un pur prétexte pour repartir en tournée pour se dire qu’au fond cela n’a guère d’importance. Ce qui importe, c’est qu’il y a encore du travail à faire, même à son âge.

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   RAMON PEREZ

 
  N/A



- Sanseverino (chant, guitares)
- Stéphane Huchard (batterie)
- Daniel Romeo (basse)
- Christophe Cravero (claviers)


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