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- Style : Benabar, Bernard Lavilliers , Johnny Cash , Les Croquants

SANSEVERINO - Joue Pas Avec Mes Nerfs (2023)
Par RAMON PEREZ le 12 Septembre 2024          Consultée 247 fois

En 2019, SANSEVERINO s’accordait une parenthèse discographique avec l’enregistrement de Beber Project vol 1, un disque de reprises de son chanteur préféré François BERANGER. Le titre de cette parution impliquait la possibilité d’un volume 2, il l’a très vite évoqué. Une envie visiblement confortée par la réception de ces chansons lors des concerts qui ont suivi, où les vieux se disaient que tout ça était encore terriblement d’actualité tandis que les jeunes avaient du mal à croire que ces textes avaient maintenant plusieurs décennies. SANSEVERINO donne donc suite à ce projet, sur les mêmes bases techniques que la première galette : les différences de ton entre les deux disques sont de l’ordre de la couleur du lettrage qui passe du jaune au rouge. Dès lors, je renvoie à la chronique précédente pour ce qui est de cet aspect et plus largement pour ce qui est de l’œuvre de BERANGER.

Du jaune au rouge, ça traduit bien la teneur d’une sélection de textes nettement plus radicale et énervée, d’où sans doute aussi le titre de l’album. La chanson-titre pose d'emblée l’ambiance en faisant claquer une suite de tournures aussi sarcastiques que bien visées. Par exemple celle-ci : On dit qu’à quarante ans un visage dit tout ; ce que je vois sur celui d’un de nos dirigeants qui remplit tout l’écran me donne des boutons. Il est content de lui, tout va bien c’est la joie ; ceux qui grognent, ceux qui rognent sont des mauvais esprits. Toute ressemblance actuelle serait fortuite… Ou celle-ci, qui n’a pas non plus bougée : "Le rêve d’Israël est mort dans la haine". En fait, c’est à peu près tout le texte qui mériterait d’être cité : fanatisme religieux, déclin industriel, communautarisme ; tout était déjà là. Avec en plus une prise de hauteur directement dans le texte, par cette réflexion autour d’une photo du ghetto de Varsovie (et cette lucidité : "Je pourrais être l’enfant, je pourrais être le nazi") qui s’enchaîne avec une autre sur la vieillesse puis une dernière en forme d’autocritique sur l’impuissance. Tout ça en une chanson ! SANSEVERINO pouvait difficilement choisir une meilleure ouverture que celle-ci.

Sur l’aspect énervé, difficile de passer sous silence le côté bouffeur de flics particulièrement assumé, à se demander comment il se fait qu’aucun ministre de l’intérieur n’ait depuis décrété la damnatio memoriae ! C’est fait parfois avec un peu de subtilité ("A force"), pas souvent… On est libertaire ou on ne l’est pas quoi. "Vous êtes les plus forts, mais vous êtes tous morts et je vous emmerde : réprimez-moi si vous voulez !" ("Ma fleur") ; encore un truc bien d’actualité. Ce côté libertaire, l’ambiance hippie du moment, BERANGER baigne clairement dedans. Mais la rudesse de son style le maintient quelque peu à distance. Le fait qu’il ait vu les années passer aussi. Le désenchantement, la fin du rêve, il l’a perçu et dit. De toute façon, ce n’était à l’évidence pas un type particulièrement enchanté : Nous on a sous les pavés la plage, faudrait seulement enlever les pavés…. Ou encore La Révolution parfois ça devient dégueulasse, ça fait de la doctrine, de la théorie et de la merdasse ; la révolution faut jamais que ça s’arrête, contre ceux d’hier doivent se lever ceux d’aujourd’hui ("NAO").

Bon, tu l’as compris, cette seconde sélection donne une plus grande place à la partie révolutionnaire de l’œuvre de BERANGER. On y retrouve d’ailleurs "Mamadou m’a dit", le seul titre à avoir percé commercialement, sans doute pas à cause de son texte toujours aussi sec à la teneur anticolonialiste immédiate, mais probablement plutôt par son accompagnement relativement radiophonique. Une des deux reprises sur laquelle SANSEVERINO s’autorise une seconde piste de guitare plus mélodique. Tout le reste a été enregistré live en deux jours, avec cette fois-ci quatre guitares employées au fil des morceaux. Comme sur le premier album, ce choix de jouer sans filet gomme la diversité stylistique de BERANGER mais pousse SANSEVERINO vers des interprétations et un jeu de gratte exigeants.

Mais, puisque ce disque a surtout le mérite de nous faire parler de François BERANGER, revenons au texte avec deux sujets qu’on y trouve fréquemment. Tout d’abord la notion de ville qu’il voit en général comme un corps organique, vivant, évoluant avec une sorte de volonté propre. Et puis la place occupée par la guerre. Celle de quarante en particulier, à laquelle il est souvent fait allusion avec, là encore, une rudesse personnelle qui n’appartient sans doute qu’à ceux qui l’ont vécue (ce fut son enfance). Sa chanson "Une ville" croise ces deux sujets d’une façon particulièrement froide, avec une exposition qui ne laisse aucunement présager l’évolution du texte. Une sacrée claque, sans doute l’une des meilleures du disque.

Finissons avec les chansons plus éloignées de ce style radical, puisque BERANGER c’est aussi de la poésie nostalgique ou des chansons d’amour. C’est "Rachel", autant rustique que fiévreuse. C’est "Natacha", qui inspire à SANSEVERINO une ambiance à la Ry COODER. C’est encore "Le monument aux oiseaux", une autre grande réussite textuelle dans un style complètement autre, moins austère et plus songeur. SANSEVERINO est un grand connaisseur de BERANGER. Avec ces disques, il devient un très bon guide pour qui souhaite l’aborder. En préparant cette chronique, je suis allé écouter quelques versions originales et il est frappant de constater à quel point le chanteur s’est approprié les mots que son aîné déclamait dans des styles franchement différents. C’est ce qui s’appelle se mettre au service d’une œuvre et j’en éprouve le plus grand des respects.

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   RAMON PEREZ

 
  N/A



- Sanseverino (chant, guitares)


1. Joue Pas Avec Mes Nerfs
2. Une Ville
3. Rachel
4. La Fête Du Temps
5. Le Monument Aux Oiseaux
6. Ça Doit être Bien
7. À Force
8. Mamadou M'a Dit
9. Natacha
10. Ma Fleur
11. Sous Les Pavés
12. Nao



             



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