AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

On remarquera que contrairement à leurs cousins irlandais de Clannad dont ils sont un peu le pendant écossais, les membres de CAPERCAILLIE ont vite été sollicités pour la création de bandes sonores. Leurs travaux consistent en l'illustration de trois programmes, séries ou non, produits par Ted Brocklebank, baptisés The Blood Is Strong (diffusé sur Channel 4), A Prince Among Islands et Highlanders (tous deux pour ITV), concernant tous l'héritage des peuples gaéliques à travers le monde, de l'Ecosse et l'Irlande aux Etats-Unis jusqu'en Australie. Alors que des groupes comme Runrig ou Clannad se sont tournés vers la pop, CAPERCAILLIE conserve une grande part de tradition dans sa musique qui sait aussi se plier aux règles de l'époque, et c'est logiquement eux qui ont été choisis. En réalité, le présent disque ne contient dans sa version originelle que les musiques de The Blood Is Strong, le reste étant des rajouts de l'édition 1995 (elle aussi publiée par Survival Records), mais nous en parlerons tout de même.

The Blood Is Strong conserve la part du lion en ce qui concerne l'espace réservé, nul doute que le groupe aura consacré plus de temps et d'énergie à cette série-là. Par ricochet, le nombre conséquent de morceaux (étalés de "Aignish" à la fin du disque) est le plus représentatif d'une vraie bande son, avec son lot de chansons et de thèmes dont la durée menue peut être un frein pour l'appréciation de l'ensemble. En effet comme dans la plupart des bandes sons, The Blood Is Strong offre de nombreuses plages très courtes et toutes construites sur le même modèle : en réalité, le disque apparaîtrait presque comme un side-project de Donald Shaw et Karen Matheson, avec les autres membres en renfort occasionnel. Une grande majorité de thèmes reposent sur la présence des nappes de synthétiseurs et ou du piano, avec la voix présente dans un esprit de ballades celtiques. Du coup, les morceaux où le groupe joue ensemble dans l'autre esprit de sa musique, plus traditionnel et bien sûr enlevé, font office d'intermèdes au milieu du reste. Nous sommes donc au final, dans le mouvement opposé à celui des albums réalisés à l'époque par CAPERCAILLIE.

De ces quelques "intermèdes", on remarquera quelques réminiscences (parfois anachroniques) des albums studio. Par exemple, "Alasdair Mhic Colla" est la même chanson que l'ouverture de Sidewaulk, en plus court et en moins dynamique, presque hypnotique pour le coup, pour ne pas dire amorphe. Les rares autres sont "Calum's Road", ainsi que "Grandfather Mountain" et "Downtown Toronto", deux reels endiablés. A l'époque, le groupe avait un guitariste du nom de Anton Kirkpatrick qui utilisait beaucoup plus l'électrique en lead (sur les morceaux dansants comme les ballades) que son prédécesseur Shaun Craig ou son successeur Manus Lunny. Ce qui donne une couleur plus rock à la musique de CAPERCAILLIE, mais pas détonnante envers la tradition pour autant.

Le reste de The Blood Is Strong mise donc sur de très jolis thèmes chantés par Karen quand ce ne sont pas les whistles de Marc Duff. Piano et synthés sont maîtres de l'espace, et les autres instruments n'interviennent que rarement. "Argnish" est en réalité "An Ribhinn Donn", dernière chanson de Crosswinds. "The Hebrids" est particulièrement magnifique avec ses grelots et sa guitare électrique en fond. La flûte de "Callinish, Picts, Celts" se fait très proche d'un shakuhachi japonais. Les guitares de "Fear a Bhata" et "Dean Cadalan Samhach" sont tout à fait notables, de même que les envolées de piano sur "Arrival Theme" et "An Antaireachd Ard". Une fois n'est pas coutume, le groupe nous offre aussi un peu de harpe celtique sur "Arrival Reprise" et surtout la piste 23 qui n'est autre que "Faili Faili Oro", sublime avec la voix de Karen.

Les six premiers morceaux de l'édition 95 sont donc ceux des deux autres films, les trois premiers concernant Highlanders et les trois suivants A Prince Among Islands. On reconnaîtra la patte du nouveau CAPERCAILLIE, peu évolué il est vrai par rapport au précédent. Disons que Delirium sera passé par là, que les ambiances ont pris le pas sur le folk trad et que les batteries, programmées ou non, font désormais partie du son du groupe. Ainsi, les deux chansons qui sonnent comme des génériques respectifs aux films en comportent, "An Gille Ban" pour Highlanders et "Remembrance" pour l'autre. Elles sont très suaves et la seconde fait penser au futur "Language of the Gaels" que Karen interprètera avec l'Héritage des Celtes de Dan Ar Braz. Les quatre autres morceaux sont dans la lignée de ceux de The Blood Is Strong. "The Lorn Theme" est le seul comprenant tout le groupe, et "Domnhall (Black Donald)" n'est autre que le puirt-a-beul d'ouverture de Crosswinds, chanté par Karen en pistes multiples.

Des travaux pour le moins agréables, avec quelques excellentes idées sans pour autant que l'ensemble soit transcendant sur la longueur. Tout comme Clannad, CAPERCAILLIE aura bien honoré ses contrats, avec la distinction qu'on leur connaît.

Note réelle : 3,5