1995 est une année qui confirme le succès de CAPERCAILLIE à échelle internationale. La réception publique des albums Delirium et Secret People s'étend au cinquième effort du groupe, appelé To the Moon. Si l'effectif se trouve amputé d'un membre fondateur (Marc Duff, toutefois encore crédité sur quelques morceaux), il continue avec encore plus d'aisance son chemin sur la voie de la pop écossaise, s'éloignant toujours davantage de la tradition pure et préférant l'ouverture.

C'est aussi à ce moment que CAPERCAILLIE laisse sa marque dans le cinéma de manière plus ou moins durable, grâce au Rob Roy de Michael Caton-Jones. Avec Liam Neeson pour vedette et tenant scène dans l'Ecosse du XVIIIème siècle plutôt qu'au Moyen-Âge, le film pourtant bien accueilli n'en sera pas moins largement éclipsé par Braveheart, grand-oeuvre de Mel Gibson, un peu plus tard dans l'année.

Extraits de la bande son de Rob Roy, le poignant et mélancolique « Ailein Duinn » ainsi que les set de reels correpondants nous sont ici proposés comme des exemples rassurants, preuves que le groupe n'a rien perdu en ce qui concerne la maîtrise d'un propos musical épuré et fidèle à la tradition, sans toutefois renier quelques arrangements modernes loin de la désservir. « Ailein Duinn » marque particulièrement pour la beauté de ses voix et la présence du piper Davy Spillane.

Dans un style « ambient », l'introduction de l'album émeut autant que sa conclusion. Mené par le violon de Charlie McKerron et composé par ce dernier, « Eastern Reel » ferme l'ensemble de manière élégante et comme sur le morceau « To the Moon », on apprécie le souci du détail, le travail d'effets sur les instruments survolant les nappes de claviers de Donald Shaw. La production, plus aérée que sur Delirium mais pas moins dense, révèle de nouveau un groupe à son sommet.

Les chansons les plus pop participent aussi à cet état de fait, d'abord grâce à un élément décidément loin d'être négligeable : la voix de Karen Matheson. Si « Why Won't You Touch Me » détonne par sa légèreté (musicale, pour un texte sur l'amitié réconfortante) et ses accents caribbéens, ce n'est que pour mieux se distinguer par l'interprétation de la dame à l'instrument divin. Quelques mots en espagnol sur ce titre augmentent l'empreinte chaleureuse de telles expériences, comme plus loin les castagnettes du morceau instrumental « La Paëlla Grande », ou encore « The Crooked Mountain », très californien.

De jolies ballades comme « You », « The Price of Fire » (ces voix !) et « Nil Si nGra » font toujours leur effet, sans oublier la magnifique « God's Alibi », dédiée aux victimes des conflits en Bosnie et au Monténégro. Mais d'un autre côté, le groupe se laisse aller à quelques élans funks bénéficiant de la présence du batteur Ray Fean et relevés à la sauce écossaise, véritables récréations pour Marc Duff et le bassiste John Saich, loin d'être désagréables dans le cas du magique « Claire in Heaven » de Manus Lunny.

Voix en or, compositions solides et diversifiées, éléments traditionnels omniprésents même sur les moments les plus pop (consensuels mais jamais putassiers), autant d'éléments qui font encore tout l'attrait de CAPERCAILLIE, avant un virage bien moins évident pour la carrière du groupe. En attendant, To the Moon se place aisément, encore avec le recul, parmi les deux ou trois meilleures réalisations des écossais, avec Delirium et Sidewaulk.