L'album syndical, c'est un nom un peu laid mais grâce à son sens, il pourrait bien convenir pour chaque nouvelle sortie de CAPERCAILLIE. Cinq ans après Choice Language, le groupe propose une nouvelle fournée de retrouvailles studio, que l'on est contents de retrouver, sans plus au final.

Les huit musiciens ne cherchent pas à plaire, ils jouissent de leur indépendance, ce qui est évidemment très bien. Nul doute que Roses and Tears va nous surprendre, en bien ou en mal. Les copains se réunissent, ils jamment, ils ont tâtonné ensemble, mais avant tout ils font une sorte de concert-album, tous dans la même pièce pour enregistrer leurs dernières chansons.

Ce nouveau disque bon enfant vaut pour trois morceaux d'abord. "Soldier Boy" et "Don't You Go" sont marqués par leur référence au départ du conscrit ou du marin pour la guerre, des complaintes très touchantes, la deuxième notamment, introduite par Manus Lunny et Karen Matheson seuls, en guitare-voix. À défaut d'avoir une harpe sous la main, on reconnaît aisément le savoir-faire gaélique en matière de chants profonds, tristes et fins comme du point d'Alençon. "Don't you go/Ne pars pas, mon fils...", combien de mères ont prononcé cette phrase tragique ? Et ce début, avec les percussions qui résonnent comme des fantômes !

"Soldier Boy", la chanson dont le titre Roses and Tears (roses et larmes) est extrait, est plus héroïque, il rappelle presque une ballade de loups de mer. Elle est magnifique, tout comme sa soeur en fin d'album, "Leodhasach an Tir Chein" ("A Lewisman in a Foreign Country"). La basse et le piano Wurlitzer créent un velouté de notes, la cornemuse de Michael McGoldrick fait ses propres chœurs sur son solo étiré - mélodie superbe -.

Comme d'habitude, les idées ne manquent pas. En matière de chant doublé, Karen Matheson nous émerveille davantage sur le refrain de "Turas an Ànraidh" ("The Stormy Voyage"), elle fait swinguer le gaélique écossais sur "Barra Clapping Song". Ce dernier s'inscrit dans une pop californienne également chère au groupe, sympathique, ensoleillée. Le mélange de jig celtique et de musique antillaise sur "Turas an Ànraidh", avec un son fin 70's, bien soft comme il faut, est lui aussi à l'avenant.

"Him Bo" est un exemple fort de soul à l'écossaise, avec la nostalgie imposée par le chant "waulking", les chœurs en écho, sur fond de bouzouki et de piano Fender Rhodes, entrecoupés de soli couplés de violon et de whistle. C'est toujours agréable à entendre, rien d'étonnant. Les instrumentaux, "The Aphrodisiac", "Rose Cottage Reels" (touches d'Afrique) et "The Quimper Waltz" démontrent la complicité toujours forte des musiciens, au diapason et d'accord sur la moindre note, même si c'est un simple point d'orgue (la fin du deuxième titre).

Pourtant, 2008 est l'année où CAPERCAILLIE décide de mettre fin à son activité commune. Je me rappelle avoir acheté ce disque, quand il est sorti, à la Fnac de Montpellier (Polygone), perdu au beau milieu d'un rayon celtique plus que bien fourni, encore à ce moment. On peinait à croire qu'il s'agissait du terroir musical d'Ecosse le plus connu au monde ! Pour en revenir à la séparation des intéressés, ne nous formalisons pas car pour un groupe qui a adopté une formule aussi personnelle, cela ne signifie pas grand-chose, en tout cas pas longtemps ! Rendez-vous dans six ans.