Voici, après un premier EP (Cascade, 1984) le premier grand album de CAPERCAILLIE, formation écossaise dont le nom désigne une espèce de rouge-gorge, et qui a débuté dans la première moitié des années 80. Comme on le sait, à l'instar de beaucoup d'autres formations d'Ecosse ou d'Irlande, le groupe choisit de puiser dans le répertoire traditionnel, sachant que les musiques folkloriques de ces deux pays sont particulièrement liées - en fait c'est surtout la langue qui change, ça reste du gaélique mais avec des constructions différentes selon le pays -. Cependant si on regarde les morceaux que je qualifierais simplement de "danses", en plus des jigs, on trouve des "reels", plus rapides, et très écossais. L'accordéon, le fiddle (violon) et les flûtes sont de la fête et constituent les instruments dominants.

C'est d'ailleurs ça la spécificité de CAPERCAILLIE, le choix de mettre l'accent sur les instruments traditionnels (ce qui est courageux pendant les années 80, on trouve aussi par moments un semblant de percussion), et très peu sur d'autres plus modernes, du moins pour la moitié de leur répertoire. J'appelle ainsi la manière dont ils ont décidé d'arranger leur petit Crosswinds, et je veux dire par là que les danses ne constituent que la moitié de ce qu'ils choisissent de reprendre. En fait, Crosswinds alterne danses et ballades, ces dernières étant naturellement plus propices à la démonstration de la sublime voix de Karen Matheson. Un seul morceau arrive à mélanger les deux, chant et danses, il s'agit du premier. Il commence de manière élancée mais aussi un peu en retenue, puis la voix de Karen se met en place et l'expression "puirt a beul" (morceau vocal) prend tout son sens lorsqu'arrivent les choeurs masculins, le tout réalisé a cappella donnant un rendu polyphonique du plus bel effet. Puis l'instrumentation revient et les instruments se "lâchent" ensuite. Autre spécificité, qui elle devient vraiment une marque de fabrique : l'emploi parcimonieux des synthétiseurs. Donald Shaw n'en fait pas des folies, ce sont surtout des nappes à la fois simples et superbes comme sur les ballades, mais pas seulement (voir le début du premier morceau).

Avec Crosswinds, le groupe prend donc le parti d'alterner une danse et une ballade, même si ce n'est pas toujours respecté : voir le milieu de l'album - avec notamment l'excellent "The Haggis", tout en progression lui aussi - où le retour à la ballade ("Ma Theid Mise Tuilleagh") est encore plus marqué, et de ce fait, réussi. Mais tout l'album constitue une franche réussite, même si en tant que non-initié à cette culture on pourrait se plaindre du fait qu'il y ait trop de similitudes au sein des deux genres : comprendre "c'est toujours la même chose". Non justement, en s'habituant, on remarque que l'on est de plus en plus attaché à certains morceaux en particulier. Pour ma part, j'adore "The Haggis", "David Glen's", la reprise "flûtée" de "My Lagan Love" et bien sûr "Puirt a Beul / Snug in a Blanket" pour les instrumentaux et danses, et toutes les ballades, notamment celles de la deuxième partie du disque.

Voilà le tableau, d'un côté des morceaux plein d'entrain et de l'autre des petites douceurs. Dans tous les cas, un premier album d'instrumentistes réellement doués et qui se font plaisir, sans verser dans la démonstration gratuite. C'est ça, la musique celtique !