AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Il existe un album plus incompris que Us, OVO, tout ce que vous voulez qui vienne de Peter GABRIEL et qui a été sujet à controverse. C’est Long walk home, la musique du film The Rabbit-Proof Fence. J’avoue n’avoir aucune connaissance de ce film (pas plus que les précédents qui ont fait l’objet d’un travail de Peter, je ne juge donc que d'un point de vue musical), sinon ce qui en est dit à l’intérieur du livret, à savoir un document cinématographique sur l’enlèvement d’enfants aborigènes.

Rien de très réjouissant au niveau concept, et on se demande bien, comme si on ne connaissait pas assez Peter, quel genre de musique il peut bien avoir collé par-dessus. La réponse est simple : Birdy était à dominante musique planante et rock occidental avec quelques éléments venus d’autres continents, Passion était le parfait équilibre entre les cultures, et Long Walk Home, hé bien c’est l’inverse de Birdy, à savoir une musique très typée "world", et avec quelques éléments occidentaux parsemés ça et là. Mais à vrai dire, même si il y a des synthés et programmations (et aussi de la guitare), on les entend très peu. C’est un des disques les plus empreints de musique(s) traditionnelle(s), dans la mouvance de la majorité d’artistes Real World.

On pourrait s’attendre à ce que de l’avis général, tout le monde trouverait cet exercice louable, mais on est bien loin du compte. Long Walk Home se traîne tous les plus "bad" qualificatifs : long, soporifique, inintéressant… Il est vrai que ce côté "roots" avec de la matière world poussé à l'extrême n'était pas fait pour ravir les amateurs de "Sledgehammer" ou de "Red Rain", et ne fait guère partie de ce qu’on appelle la musique attrayante, ou encore l’easy-listening. Ceux qui soutiennent le versant rock et pop de la musique de Peter ne seront pour ainsi dire pas comblés le moins du monde ici. La plupart des percussions sont comme "étouffées", de même que l'ensemble des autres instruments, ce qui donne une impression de musique murmurée. On pourrait apprécier cette affluence de sons propres à la culture aborigène, inédite jusqu'alors dans la musique de Peter, mais la sombriété jusqu'au-boutiste de l'ensemble fait sonner les didjeridoos et autres gémissements de manière encore trop aseptisée.

C’est un disque fait pour être écouté en fond sonore, et en même temps qui requiert une certaine attention si l'on veut aller au fond des choses. Il y a bien quelques éléments qui viennent rompre ce que beaucoup appelleraient une certaine monotonie, mais peu... Et puis certains d’entre eux arrivent de manière un peu abrupte, comme le décollage de "Running to the Rain", où là par contre les percussions ressortent bien.

Et au milieu de tout cet amas de passages plus "bruitistes" que mélodiques, on trouve deux ou trois petites perles comme "A Sense of Home"... qui n’est autre qu’une réutilisation de la pièce "The Nest That Sailed the Sky" d’OVO en plus rythmée. Le genre de moment qui arrive là où on ne l’attendait plus. La fin de l’album, est assez réussie. La pièce d’OVO susdite est réemployée une deuxième fois, et il y a un superbe arrangement de cordes au cours des morceaux "Crossing the Salt Pan" et "The Return". Mais ce n’est pas tout, le meilleur est gardé pour la fin, ou presque. Disons qu’un thème simple et splendide, chanté de manière très profonde et "soul" par les Blind Boys of Alabama, nous est réservé pour le rideau "Cloudless", et qui sera réutilisé pour la chanson "Sky Blue" de Up. On en vient à regretter la réédition de Long Walk Home qui a cru bon de reprendre le thème dans un morceau placé avant ("Ngankarrparni"), et quasiment à l’identique, avec les mêmes arrangements vocaux. C’est franchement dommage parce que cela gâche beaucoup la surprise de fin...

Un disque réservé aux amateurs de musique d’ambiance, sachant que ceux qui acceptent le versant "world" de la musique de Peter peuvent se trouver eux aussi déroutés, voire "refroidis" ici.