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MYRDHIN - Fréhel-fééries (duo Ars Celtica) (2000)
Par MARCO STIVELL le 2 Décembre 2013          Consultée 4482 fois

Le deuxième épisode des aventures du Duo Ars Celtica se nomme Fréhel-Fééries, et inaugure le passage au nouveau millénaire pour MYRDHIN et ZIL. C'est l'occasion d'offrir à la Musique et au public une oeuvre sans doute encore plus peaufinée que ne l'étaient les précédentes. Sur Harpsody, la forêt était à l'honneur alors qu'ici, comme le veut le titre dédié au merveilleux et célèbre cap armoricain, c'est bien la mer, les lieux où la terre la rencontre (titre du dernier morceau du CD) et inversement. Fréhel s'étend d'est en ouest et symbolise la terre de Bretagne. Le couple y a passé une grande partie de son enfance, il y est chez lui. D'ailleurs pour MYRDHIN, c'est en quelque sorte une occasion de refermer une boucle, car son tout premier enregistrement, «Graal» avait été réalisé au cap Fréhel, tout comme le titre d'ouverture de son premier 33 tours, «Kan an Avel» avec sa harpe éolienne et dont on trouve un écho ici en introduction.

Quand on parle d'oeuvre peaufinée, ce n'est pas qu'un retour sur soi bien entendu, mais aussi le résultat d'une certaine ouverture, comme Fréhel représente l'entrée vers d'autres mondes. Sur de nombreux albums précédents de MYRDHIN, les interventions de musiciens extérieurs étaient très ponctuelles, venaient se greffer sur la musique en tant que suppléments. Sur Fréhel, le sentiment est celui d'une musique écrite pour les harpes de MYRDHIN et de ZIL et pensée en même temps pour d'autres instruments. C'est un véritable travail d'ensemble au point que le duo n'est jamais complètement seul. MYRDHIN a parfois avoué en interview être plutôt un «sanglier solitaire» (1) et si ce disque est plus l'affaire de ZIL dans sa production, c'est parce que c'est elle qui s'est occupée d'incorporer les éléments extérieurs. Ainsi, on croise le fidèle Pol Huellou, le multi-instrumentiste Gabriel Jégo (fils de Patrick, ce dernier ayant participé à des enregistrements de MYRDHIN à la fin des années 80), les harpeurs bretons et collaborateurs de longue date que sont Dominig Bouchaud et Anne Auffret (elle figurant sur un disque de MYRDHIN pour la première fois depuis 1976 !), le joueur de kora N'Faly Kouyaté que MYRDHIN a côtoyé au sein de Afro Celt Sound System, ainsi que DJ Stab qui n'est autre que l'un des fils du couple de bardes, le premier à figurer sur un de leurs disques ! Sans oublier bien sûr les flots de la mer Iroise et les oiseaux du pays de Fréhel, indispensables à l'ambiance recherchée.

Pour cette randonnée sur le cap à laquelle nous sommes conviés dès la (magnifique) pochette, le couple utilise, plus que le disque précédent, les avantages du format CD en termes de durée. Ce qui donne libre cours à des expériences très diverses, bien que toujours placées sous le signe de la poésie chère à ces grands musiciens. Et même si, comme le dit MYRDHIN, on est loin d'un album typique de musique traditionnelle bretonne-celtique, cette culture reste néanmoins très présente dans les harpes bien sûr mais aussi les danses, les ambiances ainsi que les modes mélodiques utilisés (aéolien -la-, dorien -ré-, mixolydien -sol- et le préféré de MYRDHIN, le phrygien -mi-). Quelques an dro tour à tour agrémentés de scratches («An Dro Houle») permettent de la transposer au nouveau millénaire, un repère temporel alors que dans l'espace, il y a cet apport toujours plus vibrant de la musique africaine comme le prouve cette relecture de «Kerdylan». La harpe n'est cependant pas constamment au centre, car ZIL a également poussé MYRDHIN a se remettre au piano («un superbe piano à queue») et on peut l'entendre sur beaucoup de titres -sauf «Galet» où c'est Pierre-Louis Carsin, qui a aussi enregistré le disque-, dans un style jazz et contemporain mais avec parfois aussi un jeu très harpistique (la fin de «Je Suis Né de la Mer»). On note le retour de la chanson, généralement interprétée par MYRDHIN, avec un «Equinoxe» très jazz-bossa, une réécriture de «Amzer Ma Ieuankiz» appelée «Les Trois Fontaines», ainsi que et c'est beaucoup plus surprenant, une reprise d'un morceau de Serge Gainsbourg, «Les Goémons». En réalité, MYRDHIN aime beaucoup la chanter dans le quotidien, et là encore il faut remercier ZIL car l'expérience est plus qu'enchanteresse...

Il y a tellement de choses dans ce disque qu'on ne peut toutes les citer, mais retenons de grandes envolées musicales poussant parfois les morceaux à la neuvième minute ; le très beau «Mordu» inspiré par la catastrophe de l'Erika, écrit par le couple ensemble et où les harpes sont (presque !) seules ; le retour du duo bombarde-biniou kozh (pas croisé depuis le premier 33 tours là encore !) sur le final du disque ; et à nouveau du chant diphonique qui semble être cette fois une voix divine venue de l'océan. Même la batterie se plie à cet univers avec brio, car ne jouant vraiment qu'avec les cymbales et pratiquement jamais les toms, soit l'inverse du travail accompli par Peter Gabriel vingt ans plus tôt.

Le sommet du disque reste bien entendu «Mer des Sirènes», épopée de harpes dont la qualité de composition, d'orchestration (shakuhachi en premier) et de réalisation n'est pas sans évoquer le lointain Emersion qui reste pour moi, et je ne le dirai jamais assez, le chef-d'oeuvre numéro un de MYRDHIN. Pour résumer, disons que Fréhel-Fééries est l'un des albums les plus riches (en termes de durée, idées) de MYRDHIN avec ZIL ou non. Bien que réemployant une quantité minime d'ancien matériel, il reste une excellente compilation de ce qui s'est fait de mieux (styles, rencontres...) au cours d'une carrière inaugurée presque trente ans plus tôt. La longueur du disque ainsi qu'une poignée de moments peut-être moins marquants n'empêchent pas Fréhel-Fééries de figurer aux côtés des meilleures œuvres passées de MYRDHIN et ZIL.

(1) Source : Rythmes Croisés http://rythmes-croises.org/ethnotempos/articles/myrdhin.htm

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   MARCO STIVELL

 
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- Myrdhin (harpes, voix, piano)
- Zil (harpe, voix)
- Dj Stab (samples, scratches)
- Gabriel Jego (claviers, co-arrangements)
- Greg Bondo (charley, cymbales, toms)
- Mona Jaouen (voix)
- Jean Baron (bombarde)
- N'faly Kouyaté (kora)
- Pol Huellou (flûtes, bambous)
- Daiinouri Choque (voix harmonique)
- Jean-michel Veillon (flûte traversière en bois)
- Anne Auffret, Dominig Bouchaud (harpes)
- Pierr-louis Carsin (piano, arrangement)
- Rémi Lebray (bombarde)
- Goulven Darnel (binioù-kozh)
- Daniel Flaux (accordéon)


1. Kan An Avel
2. An Dro Houle
3. Les Goémons
4. Nous Deux Avec La Mer
5. Galet
6. Je Suis Né De La Mer
7. La Fileuse De La Teignouse
8. Kerdylan
9. La Mort Des Fées
10. Mordu
11. Talagh
12. Equinoxe
13. Mer Des Sirènes
14. Les Trois Fontaines
15. Rencontre



             



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