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HARPE CELTE CONTEMPORAINE  |  STUDIO

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MYRDHIN - Vol. 6 - Harpèges (1982)
Par MARCO STIVELL le 13 Juillet 2012          Consultée 3102 fois

De l'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie d'Emersion. Les années 70 ont laissé place aux années 80 pour de bon, et cela a signifié beaucoup de changements pour la musique celtique bretonne. Subissant un revers de mode, étant assez reniée par son pays d'origine et bien sûr par la France (sauf pour une petite partie du public qui suit toujours), cette musique forcera les grands artistes emblématiques à aller quérir meilleure assistance dans les pays étrangers. Le sixième disque de MYRDHIN, Harpèges, est enregistré aux Keystones Studios à Dublin en Irlande, signé en Suisse sur le label Oversea et publié avant tout en Allemagne, pays où le barde jouit encore d'une grande popularité. N'oublions pas la France, où le disque a été importé par Alréa, on peut donc dire qu'il était très européen pour l'époque ! Les temps sont donc difficiles, mais nous sommes ravis de voir Harpèges réalisé avec la signature de An Delen Dir, le groupe de MYRDHIN dont le premier enregistrement remonte à cinq ans plus tôt.

A l'instar d'Emersion, ce nouveau disque comporte un nombre très limité de "chansons". En fait, même s'il était difficile de s'en douter, Harpèges est lui aussi, instrumental et majoritairement réparti en longues suites. Nous allons aussi voir qu'il peut adopter un propos conceptuel comme celui du précédent album. Par ailleurs, si il s'agit d'un disque d'An Delen Dir, d'abord on n'y rencontre plus le violoniste Günther Buchwald, et la tendance est quelque peu inversée par rapport au premier essai du groupe, puisque si la participation de Zil n'était pas la plus mise en valeur, ici elle est quasiment omniprésente, et par contre Jean-Pol Huellou n'apparait pas tant que cela. Il est présent sur "Spirale", qu'il co-écrit avec MYRDHIN, c'est une pièce à l'origine destinée à illustrer un ballet réalisé par les danseurs du Théâtre Ballet Pamplemousse de Saint-Malo en 1978.

"An Houlenn" est le premier extrait, et le plus court : il ne dure "que" cinq minutes. MYRDHIN y reprend l'arrangement qu'il avait fait de la chanson inspirée du poème de Erwan Berthoux sur son premier album, et le transforme. En réalité, il remonte directement à la source, puisque "Houlenn" de Berthoux puisait lui-même son essence dans "Gwent", incantation du barde gallois Llywarc'h Hen qui vécut au Vème siècle après JC. Et la nouvelle musique, bien que reprenant l'arpège de 1974 joue également là-dessus, quoique évidemment en moins sombre. En fait, il y a ce côté rite développé sous une forme similaire à celle d'un bal-plinn, puisque MYRDHIN développe de longs arpèges contemplatifs en incluant des moments dansants. Evidemment par rapport à la danse bretonne, le côté spirituel et tribal est renforcé, mais le barde au moyen d'une simple harpe irlandaise (doublée sur les danses) et aussi de quelques sifflements, nous fait magnifiquement voyager dans le lointain passé celte.

Pour "Itinérances", pièce longue de 14 minutes, MYRDHIN est accompagné de Zil. Elle joue sur la harpe irlandaise, et lui utilise une harpe Carolan de Claude Le Roux, au son très pincé, évoquant un clavecin -ce sont les mêmes cordes-. Le début semble aléatoire pour chacune des parties, Zil utilise parcimonieusement de simples notes graves ou aigües, tandis que MYRDHIN improvise. Le schéma est le même pour le reste du morceau, sauf que Zil emploie un thème rythmique autour duquel elle brode occasionnellement. Cette harmonie restreinte permet à MYRDHIN d'employer à loisir des gammes dépassant le cadre du contrepoint celtique, qui du coup parait bien réduit ! Il y a en particulier la gamme dite "névralgique", à base de tritons (donc fortes tensions sonores, "frottements") et très utilisée par Béla Bartok autrefois. L'ensemble essaie de traduire la difficile progression de l'homme dans la forêt arthurienne, pleine d'épreuves. Parfois quelques tapes sont données sur la caisse de résonance, parfois les harpes se rejoignent le temps d'un court thème où elles se répondent, et il y a bien sûr cette grande rupture au milieu où elles jouent en clusters (action de faire glisser ses mains sur toutes les notes en défiant l'harmonie).

"Spirale" est encore plus longue, durant à peu près vingt minutes, et recouvre donc à elle seule l'ancienne seconde face du vinyle. Morceau très complexe, qui débute entièrement au synthétiseur : on entend un bourdonnement et quelques notes suraigües tissant une ambiance intersidérale. Puis la harpe rentre, et joue cinq notes répétées sur plusieurs octaves du grave à l'aigu, c'est une gamme pentatonique (cinq sons au lieu de sept) qui peut être propre à de très nombreuses musiques traditionnelles. En fait ce sont les notes caractéristiques du mode qu'emploie beaucoup MYRDHIN et qui est plus à rapprocher de la Méditérranée-Orient que de la Celtie. Cinq notes comme cinq branches à l'étoile de Merlin nous est-il rappelé sur le disque. La harpe brode autour de ces notes en les faisant vibrer, tout en étant ornée de quelques sons au glockenspiel, ainsi que de baisses et remontées du bourdonnement. La flûte alterne, pleine de vibrations elle aussi et parfois doublée. Nous sommes ensuite pris dans la spirale de notes au synthétiseur, tandis que la harpe, parfois accompagnée de la flûte joue une danse syncopée. Ces passages sont entrecoupés de pauses où résonnent une flute jazzy ou un bodhran sec. La basse-synthétiseur vient souligner le final, tandis que les percussions rejoignent la harpe qui intensifie le thème, jusqu'à finir par égréner les cordes. Dans l'ensemble il y a une idée de mouvement, car pendant le ballet, les danseurs étaient couchés au tout début par exemple, puis se levaient un à un, très lentement...

Harpèges est sans doute le disque de MYRDHIN qui m'aura demandé le plus de temps pour être apprécié. Le fait est que "Spirale" est à son image : complexe. Le barde dit ne pas aimer faire deux fois la même chose, et c'est au moment où l'on comprend vraiment ce disque qu'on le remercie d'être allé encore plus loin que ce qu'il avait pu faire avec Emersion. Cela ne s'explique pas sans mention du concept, s'il en est. "An Houlenn" signifie en réalité le passé, une époque où l'on pensait par des modes colorés, et non les gammes qui résument nos cinq cents ans de tradition occidentale ("classique", pop...). "Itinérances" est le présent, cette envie de rapprocher les musiques celtiques d'autres airs, d'autres sons, en Orient ou autre, et qui enrichissent la palette de gammes que l'on peut employer. C'est pour cela qu'il sonne très contemporain. "Spirale" enfin, annonce le futur. La harpe même en se nourrissant d'eau, de terre, ou d'air est restée un instrument terrien, et MYRDHIN l'imagine se rapprochant de l'espace, des étoiles, de cet infini qui nous est encore si vaste et peu connu. Elle se nourrit des sons galactiques, et sur le plan mélodique, offre parfois des couleurs encore jamais entendues, tendant vers ce que l'on peut appeler un retour au non-tempérament : des sons qui ne se mesureraient plus, ou pas comme on les entend couramment. Harpèges, du fait de sa richesse, est un album en avance sur son temps, et révéle l'incroyable étendue de possibilités qu'offre la harpe celtique, cet instrument divin. Il aura valu à MYRDHIN les meilleures critiques notamment en Allemagne et aux USA, de la part des compositeurs contemporains : selon eux, la harpe celtique était "enfin libérée et prise au sérieux" !

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   MARCO STIVELL

 
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- Myrdhin (harpes celtiques)
- Zil (harpe celtique, synthétiseur, glockenspiel, bodhra)
- Jean-pol Huellou (flûtes)


1. An Houlenn
2. Itinérances
3. Spirale



             



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