Face à une catastrophe telle que celle du 11 Septembre 2001, chacun vit évidemment un traumatisme, qu'il soit conscient ou non. Les artistes, sans doute plus encore que les autres, éprouvent le besoin d'exorciser ce trauma, de le transformer en une œuvre aux vertus cathartiques. Ainsi, si l'on se plonge dans la longue liste des sorties d'albums de l'année 2002 inspirées par cette immense tragédie, nous trouvons notamment le Rising de Bruce SPRINGSTEEN et le Bounce de BON JOVI. L'isolement de ces deux albums n'est pas anodin, Jon Bon Jovi éprouvant une immense admiration (et peut-être un peu de frustration) face au talent du Boss, qui donne naissance en juillet 2002 à l'un de ses meilleurs opus. Deux mois plus tard, BON JOVI sort un de ses albums les moins appréciés.

Bounce est pourtant riche d'enseignements. Ce huitième album studio de la bande aborde un ton résolument sérieux, loin du fun assumé de "It's my life". Le hard-rock de BON JOVI, s'il reste énergique et taillé pour les grandes scènes, perd d'un coup son côté fédérateur et tubesque.
Les titres les plus enlevés sont pourtant très plaisants. Le morceau-titre, "Bounce", ressemble par ailleurs comme deux gouttes d'eau à "It's my life" ou "One Wild Night". Modernes et percutants, "Undivided" et "Everyday" sont à classer dans ce que le groupe a pu proposer de plus inspiré dans les années 2000. Il y a un véritable savoir-faire et une envie de se mettre à la page sur ces titres à la fois novateurs et résolument traditionnels. "Hook Me Up", plus lourd et mordant, confirme la bonne forme d'un groupe qui sait toujours faire parler la poudre, et reste convaincant malgré la comparaison évidente avec le succès du désormais incontournable Crush.

Non, pour l'essentiel, tout va bien. Même si en rendant son propos plus sérieux, lourd de sens, BON JOVI peine à rendre véritablement fédérateur un titre tel que "Undivided", dont le but est justement de rassembler cette 'working-class' America dans l'adversité. De même, bien que peu prolixe en matière de soli (on retient tout de même celui de "Right Side of Wrong", superbe), Richie Sambora est toujours là, que ce soit à la talk-box, aux choeurs ou a l'écriture, et offre un supplément d'âme à certains titres de prime abord bien fades ("The distance" en première ligne).

La faiblesse majeure de Bounce réside dans la présence accrue de ballades mielleuses et mid-tempo totalement dénués d'intérêt, qui rendent l'ensemble un poil indigeste. "Joey", avec son piano dominant, voit Jon Bon Jovi tenter en vain de se muer en Billy JOEL ou Elton JOHN. Les lancinantes "All About Loving You", "You Had Me From Hello" et surtout "Open All Night" peinent à susciter un quelconque intérêt, au contraire de "Right Side of Wrong", seule indéniable réussite en la matière de l'album.

C'est un fait, la présence de nombre de morceaux faiblards renforce l'impact des titres les plus inspirés. Néanmoins, avec un gros tiers d'album dispensable, voire désagréable de niaiserie, BON JOVI livre un album pas vraiment à la hauteur des attentes, et qui marque le pas après le succès de Crush. Un album non dénué d’intérêt, mais handicapé par une trop grande propension à tomber dans la mièvrerie. Un peu comme l'ensemble de ses successeurs.