Après avoir définitivement prouvé à ses pairs qu'il est un grand de la musique électronique avec Structures From Silence, Steve ROACH continue sa route avec entrain et détermination. Tenant jusque là un rythme de croisière plutôt classique bien que soutenu, le Californien se met cependant à enchaîner les albums avec une immense boulimie. C'est ainsi qu'en 1986 sort la trilogie Quiet Music qui fera tout aussi grand bruit dans le milieu que son illustre prédécesseur. ROACH réussit ainsi l'exploit de parvenir en à peine une poignée d'années à devenir une référence au moins remarquable.

Mais en regardant de plus près l'année 1986 chez Steve ROACH, on repère vite fait un intrus dans la saga, un album saugrenu glissé entre les deux premiers volets de Quiet Music et qui n'a presque rien à voir stylistiquement avec eux. Empetus se veut une collection de morceaux plus proches des débuts du compositeur (Now, Traveler). Sur le coup, on a envie de se demander si ROACH a réellement trouvé sa voie dans l'ambient/bon new-age (le "bon" a son importance), ou s'il se sent déjà nostalgique. La suite prouvera que non. De toute façon, tant que la démarche artistique est cohérente et surtout que la musique est bonne, il n'y a pas lieu de râler.

Le verbe 'râler' n'a pas raison d'être quand on évoque Empetus. Il s'agit en effet d'une pièce des plus belles, où Steve ROACH manie l'art du séquençage avec une dextérité à rendre jaloux TANGERINE DREAM qui, à la même époque, commence à devenir moribond. En huit pièces (je reviendrai plus bas sur "The Memory"), ROACH repousse encore plus loin ce qu'il avait initié sur ses deux premiers albums. On note une plus grande maîtrise des synthés, une meilleure production et, surtout, un sens de la mélodie plus poussé. Pour en témoigner, quoi de mieux que d'écouter "Merge", sans doute le titre le plus accrocheur de l'album, avec ses séquences tissant une mélodie imparable ?
Cependant, c'est une chose de séquencer, c'en est une autre de le faire pendant six minutes sans ennuyer, et ça, ROACH y parvient avec une facilité déconcertante, sans pour autant user ni abuser d'emphases. Avec quelques variations infimes mais salvatrices et l'apport de vocalises féminines, "Merge" devient un morceau captivant.
On peut également en dire de même de "Urge" dont le synthé cristallin se fait à la fois beau et menaçant.
"Conquest", pour sa part, projette l'auditeur dans un univers futuriste et angoissant, à la limite du cyberpunk, avec une urgence des plus palpables. Dans tout ce maëlstrom indécent de talent, "Distance is Near" fait cependant office de vilain petit canard, moins impactant et intéressant à écouter.

Empetus serait-il alors une ode complète à une musique électronique renouvelée ? Pas tout à fait : l'album se termine sur "The Memory", un morceau ambient, dans la veine de Structures From Silence et Quiet Music, qui se pose en conclusion calme et introspective, de façon très impressionnante.
Avec son quatrième album, Steve ROACH peut être fier d'avoir fait une carrière des plus enviables. Doublé d'une production incroyablement résistante au temps, Empetus fait partie des albums qui, osons le dire, méritent amplement d'être écoutés par tout amateur de musique électronique qui se respecte. Et dire que ce n'est que le début !