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ETHNO AMBIENT  |  STUDIO

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- Style : Tangerine Dream, Brian Eno , Klaus Schulze , Harold Budd & Brian Eno, Biosphere
- Membre : Thom Brennan

Steve ROACH - Well Of Souls (1995)
Par AIGLE BLANC le 14 Juillet 2016          Consultée 1765 fois

Son statut de compositeur-producteur-ingénieur du son couplé à la singularité forcenée de son art musical pourraient laisser croire que Steve ROACH, à la manière de VANGELIS, ne saurait travailler que dans l'indépendance la plus intransigeante. Or, bien des albums depuis 1987 démontrent le contraire, que ce soit ses collaborations avec les synthétistes Kevin Braheny et Richard Burmer (Western Spaces -1987, Desert solitaire -1989), celles avec Robert Rich (Strata -1990, Soma -1992), avec le percussionniste américain Byron Metcalf (The Serpent's Lair -2000) ou le batteur de SANTANA Michael Shrieve (The Leaving Time -1988), sans oublier bien sûr le synthétiste VIDNA OBMANA qui co-signe sans-doute les plus belles pièces du répertoire roachien : Well of souls (1995), Cavern of sirens (1997), Body Electric (1999), Circles & Artifacts (2000).
Incontestablement, Steve ROACH sait s'entourer d'artistes qui épousent sa vision spirituelle des grands espaces de l'Arizona ainsi que sa quête des traces laissées dans le paysage par les peuples primitifs de son pays ou d'ailleurs. N'oublions pas à ce titre son voyage en Australie sur les traces des Aborigènes. Ses albums solo se suffisent à eux-mêmes, mais ses collaborations ne dépareillent pas le moins du monde dans sa pléthorique discographie. Au contraire, elles enrichissent sa palette sonore en y intégrant une dimension organique due à l'emploi des percussions tribales et autres didgeridoos.

Well of Souls est la première collaboration entre les deux hommes. Derrière le pseudonyme VIDNA OBMANA se cache en réalité un synthétiste belge nommé Dirk Serries dont la musique évoluant dans les mêmes couches éthérées évoque aussi bien les espaces externes que ceux plus méditatifs de la sphère privée et entretient elle aussi un rapport essentiel avec le temps mythologique.
Ce double-album fascinant et jamais ennuyeux, pour peu qu'on le laisse infuser en soi son pouvoir incantatoire, invite à une transe d'une profondeur abyssale dont l'efficacité croît au fil des titres. La longueur de la double galette (CD1 : 61 min // CD2 : 72 min) pourrait légitimement susciter quelque doute. Comment les deux experts de l'Ambient Music peuvent-ils tenir la distance ? Leur album en offre une démonstration magistrale.
Vous aimez les voyages, les vrais, pas ceux frelatés que vous vendent les agences, ceux dont l'encre s'innerve dans les replis du temps mythologique ? Vous êtes fasciné par les univers éthérés d'une sombre grandeur ? Vous voulez expérimenter le temps du rêve et vous connecter avec les tribus primitives des cavernes ? Alors, Well of Souls est pour vous. Dès que vous aurez plongé la première galette dans votre lecteur, vos murs s'affaceront par un effet de morphing pour dessiner la paroie rougeoyante d'une caverne.

L'expérience commence avec "In the Presence of Something", titre minimaliste idéal pour la mise en condition de l'esprit avant son voyage chamanique. Le dyptique "Outlands 1 et 2" débute le voyage dans une atmosphère suspendue aux légères percussions tribales tandis que l'espace sonore se voit traversé de bruitages divers à dominante métallique qu'un effet d'échos démultiplie. Des accords figés de claviers, comme un principe révélateur, confèrent à la scène sa dimension ésotérique. Plus mystérieux, "Outlands 2" injecte de l'inquiétude dans ses nappes de claviers en apesanteur alors que le martèlement constant des percussions tribales conduit rapidement à un état d'hypnose. Malgré l'impression de vide laissée par cette musique primitive, la gestion de l'espace sonore est proprement sidérante. Un tel tapissage de nappes synthétiques, de bruitages éoliens (souffles et courant d'air) et telluriques (frottements du magma terrestre, grondements liquides) agrémenté de borborygmes qui se répercutent sur les paroies de la grotte est l'oeuvre de deux génies qui maîtrisent comme personne l'architecture intérieure de leur musique indicible. A la fin, seuls s'entrechoquent ces bruits jusqu'à créer une symphonie fortement influencée par le pape de la musique concrète Pierre HENRY. L'emploi des percussions (tambours) et des sons de flûte vidées de leur timbre trouve en "The Gathering" une expression dansante qui entraîne le titre sur les traces d'une cérémonie traversée par la pluie ruisselante des bâtons creusés.

Si l'album s'arrêtait là, ce serait déjà un excellent voyage ouvrant des portes sur d'autres espaces mystiques. Mais la seconde galette nous plonge littéralement dans un au-delà hallucinatoire, pic émotionnel d'une transe chamanique particulièrement réussie.
"Deep Hours" dans une ambiance nocturne incroyablement prégnante constitue un sommet non seulement de l'oeuvre de ROACH mais de l'ambient en général. Sans aucune percussion ni la moindre amorce de structure mélodique, l'auditeur est immergé dans un monde où la suspension du temps, prolongée sur près d'une demi-heure, trouble ses repères, y injectant une inquiétude latente, dessinant les contours d'un mystère fuyant. Je ne vois guère que le magnifique Mirage (1977) de Klaus SCHULZE pour retrouver un climat aussi glaçant et méditatif. Si le chef-d'oeuvre de SCHULZE vient logiquement à l'esprit, Steve ROACH et VIDNA OBMANA ne le copient nullement. Ils s'inspirent seulement de l'introduction de "Velvet Voyage" qu'ils prolongent admirablement en atténuant la dimension spatiale au profit d'une couleur autrement plus sombre et menaçante, très perturbante. Des nappes de claviers effilées transpercent l'espace sonore, apparaissant et disparaissant alternativement, comme un flux et reflux permanent, tandis que, des entrailles de la terre, jaillissent des zébrures sporadiques dont des tintements cristallins ne parviennent pas à atténuer la charge angoissante. Sur ce titre, ROACH et OBMANA traitent la matière sonore comme un espace en perpétuel mouvement, sans commencement ni fin, frémissant de mille résonances, surgissant du silence et le rejoignant dans un mouvement apparemment aléatoire. Une expérience hallucinante que tout amateur de musique électronique se doit d'avoir écoutée au moins une fois dans sa vie pour en jauger la puissance ésotérique à nulle autre pareille.
"Well of Souls" se présente comme une version apaisée de "Deep Hours" où dominent les nappes de claviers dans un flux et reflux infini. Les portes de la perception se sont ouvertes et laissent l'auditeur à l'orée du mystère, prêt à en déceler l'énigme. Plus minimaliste encore que le titre précédent, "Well of Souls" plonge très profondément dans les strates terrestres, au coeur d'une vérité à laquelle seuls d'habitude ont accès les chamanes et leurs initiés.

Les deux derniers titres, "The Quiet Companion" de VIDNA OBMANA et "The Dwelling Place" de Steve ROACH, permettent de revenir en douceur vers un état de conscience plus lucide, une sorte de prélude au retour de transe. Ce qu'ils perdent en mystère voire en ferveur chamanique (quoique tout est relatif), ils le gagnent en émotion comme un retour aussi au simple temps humain où sensibilité et mélancolie se conjuguent en deux beaux mouvements dont la profondeur subsiste longtemps encore après l'écoute.

Well of Souls est un chef-d'oeuvre d'ethno-ambient, une expérience réellement transcendante, de celles qui nous change à jamais.

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   AIGLE BLANC

 
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- Steve Roach (claviers, traitements divers)
- Vidna Obmana (claviers, traitements divers)


1. In The Presence Of Something
2. In The Realm Of Twilight -outlands 1
3. The Secret Arrival -outlands 2
4. The Gathering

1. Deep Hours
2. Well Of Souls
3. The Quiet Companion
4. The Dwelling Place



             



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