Une fois passé le succès éphémère de « One Night in Bangkok », Murray HEAD peut continuer son bonhomme de chemin, avec tout ce que cela implique au niveau difficultés, dans le cas d'un artiste peu reconnu pour sa véritable identité et en dehors d'une base de fans. Pourtant, celle-ci est-elle présente en 1987, lorsque le chanteur publie son septième album, Sooner or Later ? Rien n'est moins sûr...

Ce disque est emblématique d'une traversée du désert comme beaucoup d'autres artistes en ont connu et qui se manifeste par divers aspects : succès confidentiel, publications isolées, changements de personnel... Dans le cas de Murray HEAD, s'il peut toujours compter sur le soutien de Geoffrey Richardson, il se sépare peu à peu de son ancienne équipe, le guitariste Phil Palmer et surtout le claviériste Peter Veitch qui ne joue ici que quelques parties de piano, se voyant remplacé par d'autres musiciens aux synthétiseurs.

Si Restless devait beaucoup à la contribution de Steve Nye (Penguin Cafe Orchestra), la réalisation de Sooner or Later a la particularité d'être supervisée par Steve Hillage, le guitariste mythique d'abord connu pour ses participations à Gong et sa carrière solo à succès. Depuis les studios et selon les dires de HEAD, ce disque a une teneur expérimentale, car pour l'unique fois dans sa carrière, le chanteur s'en remet totalement aux offrandes de la technologie, celles du séquenceur UMI notamment. Malgré les guitares inspirées et les violons habituels (très discrets néanmoins pour ces derniers), il y a ici une atmosphère très factice, jusque dans l'absence de « vrai » batteur.

Cet album est non seulement le plus connoté eighties de HEAD, mais également l'un de ses moins réussis. Pourtant, il y avait de quoi renforcer de la meilleure manière ce qui fait son essence et sa force : un caractère très personnel, sentimental et introspectif. L'ensemble des textes constitue le point positif avec une première face de vinyle « love » et une seconde face « life », des mots d'amour et d'autres concentrés sur des réflexions qui, comme il l'est dit dans « Paper Thin », peuvent durer toute une vie.

Ce serait donc plutôt la musique qui dessert une oeuvre devenue mineure pour un interprète solide. Celui-ci brille dès les premières notes de « You Are » jusqu'au refrain amené de main maître, hanté par cette prise de conscience d'un amour inégalable en chanson. La description des sentiments les plus forts est développée de manière allégée sur « With a Passion », composée par Mark Mancina, pas une grande réussite d'un point de vue musical, d'autant plus qu'elle emploie le solo de sax obligatoire en cette période. De même, les deux titres suivants, bien que révélant davantage de maturité (la nostalgie de « Love Is Believing »), ne suscitent guère d'enthousiasme.

Steve Hillage, en tant que dieu de la guitare, prouve son savoir-faire dans la mise en valeur de Phil Palmer et de son instrument. Cependant, il peine à gommer une certain enlisement musical, partout ailleurs. Si les autres titres « sonnent » quelconques et peinent à se démarquer, on peut au moins citer « In the Heart of You » où l'auteur puise dans les rêves d'enfance et la destinée, ballade splendide écrite par Peter Veitch portée par une mélodie efficace et des choeurs à-propos (féminins et masculins, avec la présence de Jakko Jakszyk et Dave Stewart des EURYTHMICS). On les retrouve sur le très joli refrain aéré de « Wanderer », dont le texte mentionne ce besoin courant de prendre la voiture et de partir pour se reconstruire. La musique nous parle de manière heureuse, comme une lueur au bout du tunnel...

Toujours fidèle à l'esprit british soul de l'artiste avec quelques élans funk, et malgré quelques réussites (« You Are », « In the Heart of You », « Wanderer »), Sooner or Later laisse un goût de frustration. Sa couleur personnelle, mêlée de sensibilité et de tendresse, déclenche une réaction froide concernant un propos musical certes pas désagréable, mais trop moyen.