Murray HEAD propose un nouvel album, Tête à Tête, après plus de dix ans de silence mais pas total. Cela ne concerne que sa carrière solo car, en dehors du cinéma, l'artiste parvient à mêler chant et rôle aux côtés de LÂÂM à travers la comédie musicale Cindy (Cendrillon), au début des années 2000. Il arbore même, chose rare, un bouc et une moustache.

Malgré une nouvelle initiative de Luc Plamondon, c'est bien l'époque où l'on peut constater que Notre-Dame de Paris était un coup d'éclat unique. Avec Obispo et cie, le genre de la comédie musicale française s'est flingué rapidement sur le plan esthétique et de manière définitive : trop de sentimentalisme forcé, trop de "beaux gosses", trop de chorégraphies, pas assez de nuances musicales. Bien sûr, ça plait toujours à nombre de personnes (tant mieux), mais ce ne fut pas le cas de Cindy, échec cuisant.

On est donc contents de retrouver le plus français des chanteurs anglo-saxons, sans moustache et sous son seul nom, ce qui promet toujours de belles choses, mais pas de fortes ventes, hélas pour lui. En 2007, Tête à Tête fait suite à une petite série de compilations publiées depuis Pipe Dreams, dernier album en date (1995), pour ne pas faire trop oublier l'interprète de "Say It Ain't So Joe" et "One Night in Bangkok".

Première remarque : le son acoustique de l'album, très simple, beaucoup plus que l'album précédent, et nettement moins chargé en effets. Cela sied fort bien à Murray HEAD, âgé de 61 ans désormais, dont la voix n'a rien perdu de son éclat. C'est sans doute l'élément-clé qui relie toute une production de qualité globalement positive depuis Nigel Lived en 1973.

L'autre garantie de qualité, ce sont les musiciens, de vieux amis retrouvés avec bonheur tels Phil Palmer, (Sir) Geoffrey Richardson. Et puis, il y a cette basse jouée au médiator, remarquable sur une poignée de titres, y compris le tout premier, "Seras-Tu Là". C'est une reprise pop et enjouée du dernier morceau de l'album Wave (1992), "Make It Easy", où Murray HEAD chante en français cette fois et en duo avec sa fille Sophie. Partagés entre l'amour solide qui les unit et les doutes qui en découlent, ils offrent une prestation pleine de tendresse et fort émouvante.

Sophie assiste d'ailleurs son père pour quelques autres chansons du disque avec des choeurs sensuels et plus que bienvenus. On peut en dire autant des arrangements de violon alto par Richardson, des guitares "slide" et même des cuivres, bugle sur "So Strong" et saxo sur "Little One". Ils restent plutôt discrets à l'exception du titre "Who Do You Think You Are ?", blues-rock qui rappelle "She's Such a Drag" (album Say It Ain't So, 1975) avec moins de fougue et moins de classe. En fait ici, cela sonne trop poussif, trop isolé du reste de l'album.

Tête à Tête n'est pas non plus une oeuvre qui se démarque en termes de qualité. Un bon disque néanmoins, agréable avec des chansons folk, blues ou country. "Lost My Baby Tonight", "Crystal Heart", "Tornado" et "That's Rich" en font la réussite, sans oublier "So Strong" et "This Face", ballades poignantes au piano sur fond de cordes. Les sentiments n'y sont pas forcés pour le coup, et depuis "Maman" en 1983 sur l'album Shade, il y a des progrès en terme d'écriture et de chant en Français, comme le prouve "Loin Demain" (écrit par le chanteur Franck MONNET), en souvenir des émeutes qui ont agité Paris deux ans plus tôt.

Plutôt que de marquer les esprits franchement et durablement (il y a largement de quoi faire dans une époque antérieure !), le nouvel élément de la carrière du chanteur permet à la fois de le retrouver et de réaffirmer la sympathie que l'on peut avoir pour lui. Ce qui n'est déjà pas mal !