Son premier album, Ten, s’est vendu à plus de 11 millions d’exemplaires, ce qui est une chance et un source de pression énormes pour PEARL JAM.
Le groupe nous revient deux années plus tard avec Vs qui se révèle tout aussi réjouissant. Pourtant, avec ce second disque, le groupe se démarque fortement du mouvement grunge auquel il avait été (peut-être un peu hâtivement) assimilé, pour s’orienter vers un rock très américain.
En effet, bien que le son de cet album soit nettement plus brut et rugueux que celui de son prédécesseur, c’est vers les univers de Neil YOUNG, R.E.M., Tom PETTY et les DOORS, que la bande de Seattle se plaît désormais à évoluer. Neil YOUNG peut servir de référence pour ce qui est du son des guitares, alors que les DOORS est plus à créditer au niveau de la puissance et de la structure de certains morceaux. La touche Tom PETTY / R.E.M. apparaît plus pour ce qui est des mélodies et du côté Pop américaine. Le résultat sonne paradoxalement de manière assez personnelle et, surtout, il est impressionnant de qualité. Un peu comme si PEARL JAM avait digéré ces multiples influences pour les restituer en une savoureuse recette maison.

De fait, dès le très nerveux "Go", le groupe fait étalage de ses plus beaux atours. Tout d’abord via un Eddie Vedder très en forme. Celui-ci module sa voix pour passer allègrement de la douceur la plus suave ("Daughter", "Indifference"), à la violence la plus primitive ("Leash"). Mais également via un talent de composition impressionnant. Tout le groupe a été mis à contribution et le résultat est sans conteste une réussite. Des titres comme "Ederly Woman Behind The Counter In A Small Town", et "Rearviewmirror" en sont la plus imparable démonstration.
A tel point que les petites imperfections, notamment le côté un peu brouillon du son des guitares et des paroles qui semblent parfois avoir été écrites de manière un peu hâtive, ne parviennent pas à réduire le plaisir qui ressort de cet album.
Revenons tout de même sur les textes, cela en vaut la peine. A cet effet, le texte de "Rearviewmirror" vaut déjà son pesant de cacahuètes en termes de nébulosité (Mon reflet n'était pas le plus maculé, Ma tête à tes pieds... moi le fou, toi le roi, Ton poing sur mes dents, je l'ai avalé, Intimité garantie, unis par la crainte, Forcé de supporter... ce que je ne pouvais pas pardonner… ), celles de "Animal" donnent, elles, dans la simplicité la plus stricte. Et les 25 mots différents qui la composent font un peu chiche (Je préfèrerais être... Je préfèrerais être avec... Je préfèrerais être avec un animal, Un, deux, trois, quatre, cinq contre un, Cinq, cinq contre un, J'ai dit un, deux, trois, quatre, cinq contre un, Cinq, cinq, cinq, cinq, cinq contre un… Pourquoi voudriez-vous me faire du mal ? Oh, tellement effrayé par ta douleur). Rihanna traînait-elle dans le coin lors de la composition ?
Mais la qualité d’interprétation de Vedder et la musicalité de ses paroles permettent de passer outre ces faiblesses, même si un petit effort supplémentaire aurait certainement donné un résultat encore plus jouissif, d’autant plus qu’Eddie Vedder, sans être un parolier extraordinaire, est capable de beaucoup mieux comme en attestent les chansons un peu plus concernées du dévastateur "Blood", qui tournent autour de la pression que peuvent faire subir les médias (certainement en réaction avec la folie médiatique dans lequel le groupe a été embarqué à partir de 1991), et de l’entraînant "Glorified G" qui évoque la relation des Américains avec les armes à feu. On peut également mentionner "W.M.A", à la magnifique ligne de basse, qui traite du racisme, ou bien de la quasi ballade "Daughter" qui aborde le thème de la maltraitance des enfants.
Le livret très soigné qui accompagne le CD comporte bon nombre de textes et illustrations. Pour l’anecdote, la pochette de l’album représente un mouton photographié en grand angle. Pour Jeff Ament, celle-ci symbolise l’état 'd’esclave' dans lequel se trouvait PEARL JAM avant que celui-ci ne réalise Vs. Les explications données par le groupe pour justifier ce choix de titre du disque sont diverses et intéressantes, surtout lorsqu’on sait que ce nom, qui devait originalement être "Five Against One" (en référence aux paroles de "Animal"), a été choisi si tardivement que les premières éditions de l’album comportent parfois le titre "Five Against One". Pour Eddie Vedder, ce nom est inspiré de l’album du même nom de MISSION OF BURMA (1982) dont il est particulièrement fan. Pour Stone Gossard, par contre, Vs renvoie à la notion de conflit présente dans beaucoup de chansons existantes, mais également aux tiraillement entre les membres du groupe, chacun étant obligé de confronter ses propres aspirations artistiques à celle des quatre autres.

Porté par les nombreux singles qu’il généra ("Daughter", "Go", "Dissident", "Animal"), l’album rencontra un succès énorme avec pas loin d'un million de copies écoulées aux USA la première semaine. Ce succès commercial est amplement mérité et, au-delà d’être un excellent album de PEARL JAM, Vs peut être rangé parmi les grands disques de l'histoire du rock américain.