Pearl Jam fait partie de ces groupes stabilisés, arrivés à l'âge de la maturité, et qui continuent à fournir à leurs fans un album toutes les quelques années, comme Depeche Mode ou Rush, par exemple. Ce type de groupe a tendance à ne plus guère se renouveler, à céder à une certaine facilité. Ils ont sans doute envie de continuer à inventer de la musique mais manquent d'inspiration. Rush est une exception en la matière : certes, leur style s'est un peu figé, mais ils ont gardé une haute tenue, une énergie incroyable, et ont même réussi à surprendre en matière de composition avec l'inattendu Clockwork Angels. Pour ce qui est de Pearl Jam et Depeche Mode, par contre, depuis 2000, c'est plutôt la routine qui s'est installée. Un album tous les trois ou quatre ans, aucune vraie innovation. Rien de vraiment mauvais mais rien d'impérissable.

Le cas de Pearl Jam est même plus grave. Un tel groupe de rock alternatif, ayant proposé une musique sombre, musclée et écorchée, repose en bonne partie sur l'énergie des musiciens. De plus, leurs premiers albums contenaient une foule de petites idées bluffantes empêchant le groupe d'être un simple mélange d'influences. Depuis Binaural, force est de constater que le groupe s'est un peu ramolli, les derniers albums manquent de passion et ennuieront nombre d'auditeurs autres que les fans de base. Le nouvel album de 2013, Lightning Bolt, n'échappe malheureusement pas à ce schéma, bien qu'il soit un peu meilleur que Backspacer, grâce à une une plus grande qualité des mélodies. En particulier, il y a beaucoup de ballades, ce qui renforce l'impression de manque d'énergie. Pour un album appelé «éclair», c'est un comble...

La première partie fait plutôt bien illusion. Ces petits malins ont concentré la plupart des meilleures chansons dans le début, c'est un procédé commercial assez vicieux. On peut déjà remarquer la même chose sur Backspacer, à vrai dire. Elle semble loin, l'époque où le groupe essayait de détruire son image, d'être les plus anti-commerciaux possibles, pour paraître alternatifs alors qu'ils vendaient des millions d'albums. Aujourd'hui, le commerce est bien présent dans leur musique, comme en atteste cette fameuse ballade «Sirens» dont tout le monde dit tant de bien. Je n'ai rien contre le pop rock à la Robbie Williams mais bon, est-ce bien le rôle de Pearl Jam d'aborder ce registre ? Si la mélodie est agréable, le rythme est désespérément simple et, de toute façon, la chanson est trop longue.

Pour le reste, donc, les premières chansons sont chouettes, sans être impérissables. L'ouverture bien grunge «Getaway», la punky «Mind your manners», la chanson-titre sont entraînantes, la meilleure de l'album me semblant être «My Father's son», plus complexe et dynamique que les autres. La suite est un peu plus moyenne, avec la trop groovy «Infaillible», une «Swallowed Whole» belle mais dont la production manque de relief et la bluesy «Let the records play». La fin m'empêche d'être gentil au niveau de la note. Non, ce n'est pas vraiment un bon album... ces trois ballades de remplissage sont insipides et procurent onze minutes d'ennui, surtout la reprise de Vedder solo «Sleeping by myself», au texte crétin, et le final «Future Days».

Au final, bien sûr que cet album ravira les fans. Vu que cette chronique vient quelques mois après la sortie, on ne peut que constater le bon résultat commercial de l'album. Que ce soit grâce au côté un peu racoleur de la musique ou par le simple nom de Pearl Jam, ils ont atteint de bonnes places dans les charts dans de nombreux pays. L'avis donné ici est celui d'un amateur de rock moyen, qui aura bien d'autres priorités pour écouter ceci plus de quelques fois et qui n'aura aucune bonne raison d'acheter cet album plutôt moyen.