John Lydon est un grand personnage. Pas uniquement parce qu'il fut le porte-étendard d'un mouvement contre-culturel qu'il a incarné avec conviction et intégrité, suscitant au fil de ses prestations bien des vocations et des admirations. Il est un grand personnage surtout parce qu'il a su rester lui-même. Les normes imposées par la bienséance comme celles que s'est imposées lui-même le punk, il n'en a jamais tenu compte. Raison pour laquelle il est toujours méprisé par certains cercles, sa musique limitée à la comète SEX PISTOLS par une partie des esthètes officiels et sa personne physique menacée au plus fort de la carrière de PUBLIC IMAGE LIMITED par des meutes de dégénérés et de sectaires en tout genre qui ne comprenaient rien à sa démarche de perpétuel enquiquineur hors du moule.
Caustique à l'encontre d'icônes du rock (feu son ami Joe Strummer) et dithyrambique avec d'autres (son idole Alice COOPER). Dézinguant Hollywood mais témoignant d'une sympathie réelle pour le peuple américain. Défendant le Brexit et le président le plus improbable (je n'ai pas dit le pire) qu'eurent les États-Unis à leur tête. Chantant en Israël mais dégainant son "Rise" éternel en faveur d'une réconciliation Palestiniens/Hébreux en même temps qu'un "Four Enclosed Walls" où le nom d'Allah est mainte fois prononcé, John fait ce qu'il veut, exprime ce qu'il pense et ce au nom d'aucune entité ou puissance hégémonique. Libre jusqu'au bout.

Suite logique de This Is PIL dont il partage l'apparence foutraque et un contenu qui ne l'est pas moins, What The World Needs Now, s'il n'est pas le meilleur album de PIL (le groupe n'a pas la prétention de publier un chef-d'œuvre visionnaire, surtout à une époque où tout est pratiquement du recyclage), est probablement l'album sur lequel John se livre dans les moindres détails de son âme.
Certes, si des disques aussi aboutis que Metal Box (le plus abouti de tous) devaient leurs qualités à un artiste qui y mettait toutes ses tripes, ce cru de 2015 est le reflet d'un homme au tempérament toujours anti-conformiste mais que les années ont rendu, disons, plus sage.
Aussi, de l'ouverture rock'n'punk "Double Trouble", conne mais bonne, à "Bettie Page", narquoise au-dessus de laquelle plane le spectre du maudit "This Is What You Want This Is What You Get"; de "Big Blue Sky", dub atmosphérique, ode aux grands espaces dont les US ne manquent pas et une des réussites majeures de l'album, à "Corporate", compromis entre la déconnade propre à DEVO et une violence à la KILLING JOKE, jusqu'à "Shoom" et son festival de fuck, hommage à Lydon senior et à son franc-parler dont son fils est devenu l'apôtre que l'on connaît, le rouquin nous propose une bonne compilation de chansons à caractère autobiographique mais à vocation universelle, malgré quelques tics et maladresses de vieux de la vieille du rock comme certains déchets ("Spice of Choice" au refrain raté en premier).

Dernière offrande de PUBLIC IMAGE LIMITED à ce jour, What The World Needs Now conclut ainsi la discographie en dents de scie d'un groupe fondamental ayant cultivé un sens inné de l'audace, renforcé par une sincérité à toutes épreuves.
Oui Monsieur Lydon, vous êtes un grand. À vous comme à tous les personnages haut en couleurs qui vous on épaulé durant l'aventure PIL qui, je l'espère, va continuer encore un petit peu, merci mille fois pour tout.