Nous avons vécu l’improbable explosion du trio original des filles il y a trois ans avec le départ de l’irlandaise Siobhan Fahey et son remplacement un peu raide par la brunette Jaquie O’Sullivan. Il semble que le nouvelle arrivante soit plus une salariée qu’autre chose : son nom n’apparaît sur aucune des compositions. On constate d’ailleurs que la place qui lui est dévolue sur la pochette est plus petite que celle de ses collègues. L’évolution continue pour les filles, après le duo Jolly & Swain, après le trio Shaw Scott Waterman, c’est au tour du bassiste de KILLING JOKE, Martin "Youth" Glover, un ex de Sarah Dallin, de prendre en main les destinées des BANANARAMA. Il s’agit de leur seulement cinquième opus, en ce début de décennie nineties, celle de la révolte et de mouvements alternatifs.

Nous avons quatre singles pour embrayer cette livraison 91, alors que tous les cadors de la new-wave, si on excepte DEPECHE MODE, sont au plus bas. Mais Youth prend les choses en main derrière la console et au niveau des compositions. Youth et Andy Caine sont donc à la baguette sur le premier single "Only Your Love" qui se présente comme une évolution évidente de leurs grands succès, avec un peu plus de pop que précédemment. La fusion des voix reste fendarde, avec une petite vibe soul - les "Uh uh" STONiens - en plus.
"Preacher Man" Me semble dans la lignée des précédents singles, bien efficace, jouxtant un brin la variété par instant, mais au refrain pop très réussi. Qui plus est, Keren est assez craquante sur la jolie vidéo en noir et blanc, alors que Jaquie me paraît transparente.

Bien évidemment cette ressucée des DOOBIE BROTHERS qu’est "Long Train Running" se présente comme une gageure puisque nous sommes en compagnie des GYPSY KINGS à la gratte – ici sous le pseudo de Alma De Noche -. L’influence de Youth me semble ici évidente, on connaît l’appétence du bassiste pour tout ce qui est exotique. Cette version plus ou moins flamenco est réussie à mon sens, ça rend bien !
"Tripping On Your Love" propose quelques vibrations exotiques et une orchestration plutôt sympa et dansante, comme c’est étonnant ! Les 4 singles atteignent les places de 27, 20, 30 et 76. Point n’est besoin d’être prophète pour voir que le trio est sur la phase descendante. Les résultats sont honnêtes, mais nous ne sommes plus dans le top 5.

"What Colour R The Kies Where U Live" est un rocksteady quasi reggae, avec toujours la même équipe à la baguette et une basse dont le son évoque KILLING JOKE, malgré l’écart titanesque entre les deux groupes. C’est très chouette.
Sequencers et bouillie sonore sont à l’oeuvre sur "Outta Sight", comme c’est le cas de l’évolution du son des KILLING JOKE à la même époque. On sent encore la main-mise du bassiste sur les vibrations qui émanent de "Megalomaniac", les tendances exotiques qui ressortent toujours par instant. Les percussions abrasives continuent sur la soul "I Can’t Let You Go" - on croirait les synthés de Stevie WONDER - avec quelques adjonctions hip-hop. Le titre se traîne un peu toutefois, le plus faible de l’opus.

Le trio Saw est donc encore à la manœuvre sur deux titres, malgré les désaccords. Sarah et Keren ont eu suffisamment de jugeote pour tout de même retenir les aspects pop de "Ain’t No Cure" qui sonne par instants comme ABBA. Cette composition est bien plus agréable que les purges du précédent opus.
"Heartless" est plus dans une veine disco, la fameuse europop tellement en vogue à la fin des eighties. Son refrain se laisse bien apprivoiser, dommage que la team s’entende si mal avec les filles. Ces deux titres ne sont pas mal du tout.
On assiste à l’improbable retour de Steve Jolley sur "Is Your Love Strong Enough", ça s’appelle bouffer à tous les rateliers lol ! Le titre se laisse écouter, ça passe pas trop mal.

La mainmise de l’écurie de production Saw sur la musique des BANANARAMA était pour moi clairement synonyme de baisse de qualité ; de compositions à la lisière de la variété ayant perdu la plupart du temps la spontanéité et la fraîcheur des grands succès des filles. Tout n’est pas négatif bien sûr et il nous reste une poignée de singles réussis. Toujours est-il que la présence de Youth, le nouveau producteur, à la console est un changement de bon aloi. Ce nouvel opus du nouveau trio, même si l’arrivée de Jaquie O’Sullivan est plus que discrète, est plus intéressant que les deux précédents, ce sera un trois.