Ce que l’on appelle communément Krautrock, terme inventé par un journaliste londonien désireux de blesser les Allemands et leur indiscutable influence culturelle (je n’aurais de cesse de le rappeler, surtout lorsque j’aurai Alzheimer), a été une source d’influence majeure pour le jeune Bryn Jones. Et c’est exactement ce que l’on ressent ici, d’entrée de jeu et jusqu’à la fin de cette piste unique. Comme un hommage naturel aux pionniers de la musique electro-expérimentale (Conrad Schnitzler en tête) et dont Muslimgauze, entre quelques autres défricheurs fameux et obscurs des années 80-90, est la continuité tout aussi naturelle.

C’est littéralement le thème de l’équipe féminine iranienne de ping-pong, du moins dans l’esprit de son créateur. Basé sur un sample de « The Fall Of Saïgon », morceau des précurseurs This Heat, cette œuvre stagne pendant 33 minutes et des poussières de seconde dans une espèce de mare en ébullition et procure la sensation d’écouter le monologue d’un compteur Geiger avec du sable et de l’eau fluorescente dans les oreilles.
Les fadas de Psychic TV, de KK Null, de beau grouillement analogique et, d’une manière générale, les fadas de l’éternel retour de la boucle seront comblés au-delà de leurs plus folles espérances. Et ceux qui ont apprécié le fameux Azzazin encore plus, même si le disque ici chroniqué se situe à un niveau moins ambitieux et plus nonchalant dans son minimalisme. Il n’en reste pas moins un travail tout à fait original et habité, comme d’habitude.

Le titre même de cet album pourrait justifier une chronique à lui tout seul. Essayez de prononcer rapidement ceci : Iranian Female Olympic Table Tennis Team Theme, et votre système nerveux central vibrera.
Il y a incontestablement chez Muslimgauze une fascination pour les mots et les jeux interminables qu’ils inspirent. Cela est très loin d’être anecdotique puisque Bach lui-même, très inspiré par la suite de Fibonacci, en avait fait un composant capital de son art. Prononcer correctement un mot, une phrase, en respectant son rythme propre, c’est déjà un pas vers la compréhension musicale. Il n’y a aucune division véritable, du moins sur le long terme, entre mathématiques et littérature, sauf dans les cervelles décomposées qui continuent inlassablement de parasiter le champ des sciences et des arts.

Publié à l’origine en 1999 sous forme de raquette de ping-pong, la chose se trouve aujourd’hui plus simplement en téléchargement sur le Bandcamp dédié à l’artiste. Elle mérite amplement d’être entendue même si, pour l’éventuel néophyte, elle ne devrait pas constituer une priorité non plus – tant d’autres opus lui tendent les bras.