Je me suis toujours, dès la première écoute, senti tel un poisson dans l’eau à chaque découverte d’un disque de MUSLIMGAUZE – du plus corrosif au plus planant. Univers étrange et pourtant si familier.

Mais celui-ci est le seul qui m’ait demandé un certain temps d’adaptation pour être enfin savouré à sa juste valeur.
Voici un opus de notre Anglais préféré qui se démarque particulièrement de tous ses nombreux autres (sauf rares exceptions). Ici, il n’y a pas ni beat ni percussion, juste le rythme des séquences analogiques. Et, comme on pouvait légitimement s’y attendre, Azzazin est tout sauf un disque reposant.

Ronronnant comme un moteur à sec, crispant comme du gaz sans limonade, ce travail de Bryn Jones est un travail sur la tension même. Tout le minimalisme habituel est ici synthétisé en des boucles purement électroniques qui, probablement, raviront les amateurs de PAN SONIC, AUTECHRE et, peut-être plus encore, ceux de Conrad Schnitzler, mais qui pourraient laisser sur leur faim les amateurs du MUSLIMGAUZE percutant voire dansant. Je parle au conditionnel car, en vérité, ce disque, une fois apprivoisé par les plus redoutables des fanatiques, passe crème. Enfin plutôt café noir, mais on se comprend.

Il faut dire que, malgré l’absence de percussions caractéristiques du genre, on est ici parfaitement captivé par une ambiance tantôt tendue tantôt perdue, non dénuée de brefs échantillons de voix, de souffles qui surgissent pour mieux disparaître et toujours riche de subtiles variations tonales. Jamais loin d’un camp bédouin et toujours et plus que jamais en plein désert aride, brûlant de jour et glaçant la nuit.

Ce que je n’ai saisi qu’après bien des écoutes, c’est à quel point ce disque est assassin. Très peu de vie subsiste pendant ces 45 min, et ce qui en reste demeure strictement confiné à l’organique pur, au grouillement analogique.
C'est probablement le plus cérébral, le plus conceptuel des travaux de cet étonnant projet, et l’une des pochettes* les plus diablement stylées de l’histoire du disque, tout style confondu, soit dit en passant.


*Pochette anonyme.
Bryn Jones approuvait d’office tous les visuels du label Staalplaat qui, quant à lui, ne pouvait qu’être honoré de cette profusion de bonnes choses à publier. La confiance régnait de toute part, ce qui est assez rare pour être souligné.