La dernière chose mémorable qui se soit passée dans le monde d’avant, ce fut une visite des WAMPAS au Bikini pour un concert du feu de Dieu, dans la foulée de leur excellent Sauvre le monde. Trois jours après, l’autre trouvait malin de nous empêcher de vivre. Tandis que beaucoup de musiciens se réfugiaient sur les réseaux sociaux, Didier sortait sa guitare pour faire profiter la rue sétoise de son chant si particulier, depuis son balcon et pour le plus grand bonheur du Midi Libre qui trouvait au moins un article culturel à faire durant cette période. Puis, le monde d’après est arrivé. On savait bien qu’il n’y aurait pas vraiment de différence ; la preuve, l’autre est toujours là. Au milieu d’innombrables permanences détestables, sauvons toutefois une constante appréciable : celle de la bande à Didier, qui est toujours fidèle au poste comme de bien entendu.

Pourtant, notre chanteur a passé la soixantaine. Et ça fait déjà sept ans qu’Effello est dans le groupe. Mais le temps n’a aucune prise sur les WAMPAS, c’est assez dingue ; les spectateurs de la dernière tournée peuvent en témoigner. Ils vivent même en quelque sorte une autre jeunesse. Comme à l’époque de leurs débuts, les revoilà à faire tranquillement ce qu’ils aiment dans leur coin, sans aucune pression médiatique ou commerciale. Ce temps-là est passé et ils semblent ne pas plus mal s’en porter. T’en connais beaucoup des groupes aujourd’hui qui ne se font même plus chier à vendre des tee-shirts après les concerts ? Leur merch a une grandeur spartiate, avec simplement quelques disques du groupe ou de ses membres. Disques eux-mêmes revenus à l’essentiel : deux feuilles de carton avec la galette au milieu et c’est tout, comme à l’époque (avec quand même une chouette illustration du sétois Marc Topolino). Tellement cheap qu’il paraît que sur certains vinyles ce n’était même pas leur album qui était gravé mais celui de CALI !

Didier l’a dit et répété, ce qu’il préfère c’est faire des disques ; le reste l’intéresse bien peu. Aussi penchons-nous maintenant sur le quatorzième de son groupe principal. La collaboration sur le treizième avec Lionel Limiñanas avait été particulièrement profitable artistiquement, aussi la reconduisent-ils une seconde fois. Le résultat est pourtant assez dissemblable, avec un son autrement ouvragé. Pour schématiser, il y a principalement deux types d’albums dans l’œuvre des WAMPAS. Ceux qui relèvent purement du punk-rock et ceux qui tirent plus franchement vers le rock’n'roll. Tempête tempête fait clairement partie de la seconde catégorie. Ça sent la gomina et les micros vintages de partout, les plans de guitares ou encore les chœurs façon bubble. Plus que jamais Yéyé-Punk, à l’image du morceau-titre particulièrement représentatif.

Ça commence pourtant presque hardcore, avec un titre magique intitulé "L’avocat". Une barre de pur génie ès WAMPAS, bourrée d’intensité électrique, de verve et d’humour (ainsi que de magret de canard). Mais très vite le côté rock’n'roll s’impose, avec notamment l’hommage au frontman des BEACH BOYS. La suite du disque alterne pas mal entre des morceaux de facture old-school (plus au niveau de l’intention que du son en lui-même) et des moments plus posés : un pur blues made in Frontignan puis quelques ballades doowop, genre qu’affectionne Didier – il peut y montrer qu’il ne perd rien de ses aigus avec l’âge.

Le changeur nous livre à nouveau une belle collection de textes bien perchés. "L’amour c’est comme le tour d’Italie" ; j’avais jamais fait gaffe mais la démonstration est limpide. Les sabotiers sont pires que les évêques ; tout pareil. Sans parler de cette incroyable chanson à propos du chat du général De Gaulle, "Ringo de Balmalon". A croire qu’il a une checklist de mots et noms chelous à caser dans chaque disque. Si c'est le cas, il en a coché pas mal avec Tempête tempête ! Le reste du groupe fait le boulot derrière lui, plutôt sobrement cette fois. De ce côté-là non plus, le quintette n’a plus rien à prouver et peut se contenter de faire simple, précis et efficace.

Pour être honnête, cet aspect me laissait un peu sur ma fin au début. Je trouvais pas mal de morceaux anecdotiques, surtout au milieu de l’album. Le contraste avec le disque précédent n’a pas aidé non plus lors de mes premières écoutes. Mais plus je me familiarise, plus je vois que le résultat est là. Un disque plutôt cohérent et enlevé, avec peu de réelle faiblesse mais au contraire quelques vrais sommets. Un début de disque euphorisant déjà. Egalement un final grimpé avec l’aisance d’un Julian Alaphilippe, même si la chanson qui lui est consacrée n’est pas la meilleure de ce disque. Celle-ci est un peu avant : "J’aurais moins mal", slow punk où tout le savoir-faire des WAMPAS brille autant que leur nom en boules-à-facettes sur les scènes de leurs concerts. Et même si ces scènes sont sans doute un peu moins fréquentées qu’il y a quelques années, les voir poursuivre leur œuvre de façon si intègre, pour le plus grand bonheur de ceux qui préfèrent "Les vieux à guitare", est une raison majeure de se réjouir dans ce fichu monde d’après.