Le 20 Octobre 1977, quelques jours après avoir sorti son Street Survivors, l’avion de LYNYRD SKYNYRD s’est crashé dans un coin paumé du Mississipi, laissant sur le carreau le leader chanteur Ronnie Van Zant, le guitariste Steve Gaines et d’autres rouages essentiels du groupe. Les traumatismes psychologiques et physiques sont tels que le groupe n’y survit pas, chacun se réfugiant dans les psychotropes les plus divers et variés ; Allen COLLINS traîne sa grande carcasse sans réellement récupérer pendant des années. Décès et accidents se succèdent autour de lui et il trouve enfin le repos suite à une pneumonie en janvier 90. Tout se ligue contre le groupe phare du southern rock.

Alors, c’est forcément familial, Ronnie a deux frères, Donnie, qui est déjà le chanteur du groupe de southern rock 38 SPECIAL, et Johnny qui galère avec son propre groupe dans des considérations AOR. Il a une voix très proche de celle de son frère aîné, belle, ample et chaude, et il lui ressemble. Mais oui ! 10 ans après le crash, Gary ROSSINGTON a l’idée de génie de proposer le deal au petiot qui végète musicalement et la sauce prend magnifiquement. On assiste aussi au retour d’Ed King qui ne craint désormais plus les raclées infligées par Ronnie. Il faudra tout de même 4 ans à cette nouvelle mouture du groupe avec Randall Hall à la guitare pour proposer du matériel neuf. Et nous y voici !

Le hard rock’n’roll de "Smokestack Lightning" embraye à toute vitesse et montre que le groupe a désormais un son plus étoffé, plus rentre dedans. Normal quatorze longues années plus tard, Johnny fait le job magnifiquement, je ne vois pour ma part que peu de différence avec Ronnie, alors que Donnie me semble un peu en-deçà. La batterie prééminente de "I’ve Seen Enough" nous renvoie sur des terres AOR. Voilà un titre qui n’aurait pas eu droit de cité précédemment sur un album de LYNYRD SKYNYRD. Les choeurs continuent de driver "Backstreet Crawler", lui donnant une trop forte identité soft rock. "It’s A Killer" n’échappe pas à cette analyse, la mélodie ne casse pas de briques.

Le plus rythmé "Keeping the Faith" pioche dans un sudiste hard rock qui a certaines similitudes avec BLACKFOOT ou MOLLY HATCHET. Le résultat est très convenable, et on entend beaucoup les efficaces backing vocaux de Dale Krantz, l’épouse de Gary qui occupait le micro au sein du ROSSINGTON BAND. "Southern Women" coécrite avec Dale – avec un titre pareil ! - , est tirée du même tonneau. C’est simple et carré. Les choeurs de "Good Thing" sont mis en avant. Je ne suis pas très fan des portions parlées de "Money Man".

Le slow "Pure & Simple" revient à une vibration plus Americana, avec un piano agréable de Billy Powell, mais le son se rapproche de celui de Nashville. L’hommage à "Mama" Van Zant est le morceau de bravoure de l’album : du haut de ses plus de six minutes, l’ensemble qui a beaucoup de mal à décoller reste un brin mollasson. "End Of the Road", qui continue d’ailleurs d’évoquer la famille, symbolise bien la direction que va prendre le groupe dans les années à venir. Un son travaillé et plein de grattes plus débordantes d’énergie les unes que les autres, et le solo de Ed lance un hommage à "Free Bird".

Il était illusoire de penser que les membres survivants de LYNYRD SKYNYRD allaient trouver les ressources suffisantes pour relancer le groupe au niveau où il était juste avant le crash fatal. Johnny fit un très bon job au poste de frontman, mais les compositions, exceptées les "Smokestacks Lightning" et "End Of The Road", n’auraient pas été dignes de figurer sur les albums d’antan. Le son est plus actuel bien sûr, mais cela ne change guère la donne. Je dois me montrer sévère avec le retour des Sudistes ! Lynyrd is back.